A N I M A U X
D U N O U V E A U M O N D E .
L es animaux du nouveau monde étoient auf fi inconnus
pour les Européens, que nos animaux l’étoient pour les
Américains. Les feuls peuples à demi -civiiifés de ce
nouveau continent, étoient les Péruviens & les Mexicains :
ceux-ci n’avoient point d’animaux domeftiques ; les feuls
Péruviens avoient du bétail de deux éfpèces, le lama &
le pacos, & un petit animal qu’ils appeloient alco, qui
étoit domellique dans la maifon, comme le font nos
petits chiens. Le pacos & le lama, que Fernandès appelle
peruich-catl * , c’eft - à - dire ( en Anglois ) bétail
péruvien , affeélent, comme le chamois, une fituation
particulière. Ils ne fe trouvent que dans les montagnes du
Pérou, du Chili & de la nouvelle Efpagne ; quoiqu’ils
fulfent devenus domeftiques chez les Péruviens, & que
par conféquent les hommes aient favôrifé leur multiplication
&, les aient transportés ou conduits dans les contrées
voifines, ils ne fe (ont propagés nulle" part ; ils ont même
diminué dans leur pays natal, où l’efpèceen eft aétuelle-
ment moins nombreufe qu’elle ne l’étoit avant qu’on y eût
* Peruich-càtl. Fernandès, Hiß. nov. Hiß), pag. 1 1. — Camelus
Peruanus glanu didus. Ray, Synapf. quadrup. pag. 145.— Camelus,
feu Camelo-congener Peruriamm, lanigerum , pacos diâum. Idem ibkl,
pag. 147.
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tranfporté le bétail d’Europe, qui a très-bien réuffi dans
toutes les contrées méridionales de ce continent.
Si l’on y réfléchit, il paraîtra fingulier que dans un
monde prefque tout compofé de naturels fauvages, dont
les moeurs approchoient beaucoup plus que les nôtres
de celles des bêtes, il n’y eût aucune fociété, ni même
aucune habitude entre ces hommes (àuvages & les animaux
qui les environnoient ; puifque l’on n’a trouvé des
animaux domefliques que chez les peuples déjà civiiifés :
cela ne prouve-t-il pas que l’hommedansl’état de iàuvage,
n’efl qu’une efpèce d’animal incapable de commander
aux autres, & qui n’ayant comme eux que fes facultés
individuelles, s’en fert de même pour chercher (à fub-
fiftance & pourvoir à (à fûreté en attaquant les foibles,
en ■ évitant les forts, & fans avoir aucune idée de (à
puiflince réelle & de (à fupériorité de nature fur tous
ces êtres, qu’il ne cherche point à fe fubordonner! En
jetant un coup d’oeil fur tous les peuples entièrement,;
ou même à demi policés, nous trouverons par-tout des
animaux domeftiques : chez nous, le cheval, l’âne, le
boeuf, la brebis, la chèvre, le cochon, le chien & le
chat; le buffle en Italie, le renne chez les Lappons; le
lama, le paco & i’alco chez les Péruviens; le dromadaire
, le chameau & d’autres efpèces de boeufs, de
brebis & de chèvres chez les Orientaux ; l’éléphant même
chez les peuples du Midi ; tous ont été foûmis au joug,
réduits en fervitude ou bien admis à la fociété ; tandis
que le Sauvage cherchant à peine la fociété de fà femelle.