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fait le clefîein & la defcription : il avoit été pris tout petit,
& élevé dans la maifon jufqu a 1 âge de deux ans, qu on le
fit tuer pour nous l’envoyer*; il n avoit donc pas encore
acquis toute l’étendue de les dimenfions naturelles; mais
il n’en eft pas moins évident par la feule infpeétion de
cet animal, âgé de deux ans, qu il eft a peine de la
taille d’un dogue ordinaire ou de moyenne race, lorfqu’il
a pris fon acc roi (Te ment entier. C ’eft cependant l’animal
le plus formidable, le plus cruel, c ’eft en un mot le
tigre du nouveau monde , dans lequel la Nature femble
avoir rapetifle tous les genres d’animaux quadrupèdes.
Le jaguar vit de proie comme le tigre, mais il ne faut
pour le faire fuir que lui préfenter un tifon allumé, &
* Cet animal nous a été envoyé, fous le nom de Chat-tigre,
par M. Pagès, Médecin du Roi au cap dans l’ifle Saint-Domingue.
II me marque, par la lettre qui étoit jointe à cet envoi, que cet
animal étoit arrivé à Saint-Domingue par un vaiffeau Efpagnol qui
l’avoit amené de la grande terre où il eft très-commun : il ajoute qu’il
.avoit deux ans quand il l’a fait tuer, qu’il n’étoit pas fi gros, & qu il
s’eft renflé dans lëfprit de tafia ; qu’il bûvoit, mangeoit & faifoit le
même cri qu’Un chat qui n’eft pas privé; qu’il miauloit, & qu’il
mangeoit plus volontiers. encore le poiflon que la viande. Pifoiï &
Marcgrave difent de même, que les jaguars du Brefii aiment beaucoup
le poiflon. Le nom de Chat-tigre, que lui donne M. Pagès, ne nous
a pas empêchés de le réconnoître pour lé jaguar , parce que ce nom
du Brefii n’efi pas en ufàge parmi les François des Colonies, & qu’ils
appellent indiftinélement Chats-tigres les chat-pards & les tigres. Le
chat-tigré, dit Dampier, tome 111, page y e 6 , qui eft très-commun
dans la baie de Campêche , a les jambes courtes & le corps ramafTé
comme un mâtin, mais par la tête, le poil & la manière de guetter
là proie il reflemble au tigre.
même lorfqu’il eft repû, il perd tout courage & toute
vivacité, un chien feul luffit pour lui donner la chafte ;
il lè relient en tout de l’indolence du climat ; il n’eft
léger , agile , alerte que quand la faim le preffe \ Les
Sauvages, naturellement poltrons , ne laiflent pas de redouter
là rencontre ; ils prétendent qu’il a pour eux un
goût'de préférence, que quand il les trouve endormis
avec des Européens , il refpeéte c eu x -c i, & ne le jette
que fur eux b. On compte la même chofe du léopardc,
* II y a des tigres au Brefii, lesquels étant agités par la rage de
famine font courageux, mais étant repus deviennent fi lâches qu’ils
s’adonnent incontinent à fuir de peur des chiens. Defcription des
Indes orientales, par Herrera. Amjlerd. 1 6 2 2 , page 2 y 2 . — II y a
une grande quantité de tigres au Brefii que la faim rend très - légers
& très à craindre, mais étant rafliftés, ce qui eft admirable, ils font
fi poltrons & fi pelàns que le moindre chien de Berger leur donne la
fuite. Hiftoire des Indes, par Aiaffée. Paris, 1 66y, page 6 p. — II
y a des tigres autour de Porto-bello dont les environs font affez
déferts, apparemment que ce font des tigres de petite elpèce puifqu’un
homme fèul en vient à bout avec une lance ou une autre arme
blanche, & lui coupe les pattes l’une après l’autre quand l’animal fë
drefle pour l’attaquer. Voyage de Dom Juan ù 1 Dom Antoine de Ulloa.
Extrait de la Bibliothèque raifonnée, tome X L 1V, page 4.1 y .
J’ai ouï quelquefois conter que ces tigres étoient animés contre
les Indiens, & qu’ils n’aflâilloient point les Elpagnols, ou bien peu ;
qu’ils alloient quelquefois prendre & choifir un Indien endormi an
milieu des Elpagnols, & qu’ils l’emportoient. Hiftoire naturelle des
Indes, par Jofeph Actfta. Paris, 1600, page 1 p 0.
La province de Bamba au royaume de Congo a des tigres qui
n’attaquent jamais les hommes blancs, mais qui Ce ruent fouvent fur
les noirs, tellement que quelquefois trouvant deux hommes, i’un
C C ij