168 H i s t o i r e N a t u r e l l e
les chercher & les attaquer de préférence fur toutes les
autres bêtesa. En Europe nos chiens de chalfe n’ont
pas d’autres ennemis que le loup ; mais dans un pays
rempli de tigres, de lions, de panthères, de léopards
& d’onces, qui tous font plus forts & plus cruels que le
loup, il ne ferait pas polfibie de conferver des chiens.
Au refte, l’once n’a pas l’odorat aufTi fin que le chien,
il ne fuit pas les bêtes à la pille, il aie lui ferait pas pof-
fible non plus de les atteindre dans une courfe fuivie ;
il ne chalfe qu’à vûe, & ne fait, pour ainfi dire, que
s’élancer & fe jeter fur le gibier : il làute fi légèrement,
qu’il franchit aifément un fofle ou une muraille de
plufieurs pieds ; fouvent il grimpe fur les arbres pour
attendre les animaux au pallàge & fe lailfer tomber
deflus; cette manière d’attraper la proie elt commune
à la panthère, au léopard & à l’once.
Le léopard h a les mêmes moeurs & le même naturel
que
* Les léopards lont ennemis mortels des chiens, & ils en dévorent
autant qu’ils peuvent en rencontrer. Voyage de le Maire , i 6y y ,
page 99-
k Le léopard de Guinée eft d’ordinaire de la hauteur & de la grol-
feur d’un gros chien de Boucher ; il eft féroce, làuvage & incapable
d’être apprivoifé ; il le jette avec furie fur toutes fortes d’animaux,
même fur les hommes, ce que ne font pas les lions & les tigres de cette
côte de Guinée, à moins qu’ils ne foient extrêmement preffés de la faim.
II a quelque choie du lion & quelque choie du grand chat làuvage ;
là peau eft toute mouchetée de taches rondes, noires de différentes
teintes fur un fond grisâtre ; il a la tête médiocrement grolïè, le mu-
fou court, la gueule large , bien armée de dents dont les femmes du pays
de la Panthère, de I’Once èrdu Léopard, i 69
que la panthère ; & je ne vois nulle part qu’on l’ait appri-
voifé comme l’once ; ni que les nègres du Sénégal & de
Guinée où il eft très-commun, s’en foient jamais-fervis
pour la chaffe. Communément, il eft plus grand que
l’once & plus petit que la panthère ; il a la queue plus
courte que l’once, quoiqu’elle foit longue de deux pieds
ou deux pieds & demi.
Ce Léopard du Sénégal ou de Guinée, auquel nous
avons appliqué particulièrement le nom de Léopard, eft
pays lé font des colliers ; il a la langue pour le moins auflx rude que
celle du lion ; fes yeux font vifs & dans un mouvement continuel,
fon regard cruel ; il ne refpire que le carnage : lès oreilles rondes &
affez courtes font toûjours droites ; il a le cou gros & court, les
cuiflès épaiffes, les pieds larges, cinq doigts à ceux de devant, & quatre
à ceux de derrière , les uns & les autres armés de griffés fortes, aigues
& tranchantes ; il les ferme comme les doigts de la main, & lâche
rarement fa proie qu’il déchire avec les ongles autant qu’avec les
dents : quoiqu’il fbit fort carnaflîer & qu’il mange beaucoup, il eft
toujours maigre ; il peuple beaucoup , mais il a pour ennemi le tigre,
qui étant plus fort & plus alerte en détruit un grand nombre. Les
Nègres prennent le tigre, le léopard , le lion dans des foffès profondes
recouvertes de rofoux & d’un peu de terre fur laquelle ils mettent
quelques betes mortes pour appâts. Voyage de Defmarchais, tome I ,
page 2 0 2 . . . . Le tigre du Sénégal eft plus furieux que le lion; d
hauteur & là longueur eft prefque cothme celle d’un lévrier : il attaque
indifféremment les hommes & les bêtes. Les Nègres le tuent avec
leurs zagayes & leurs flèches, afin d’en avoir la peau : quelque percé
qü’il foit de leurs coups, il fe défend tant qu’il a un refte de vie,
& il en tue toûjours quelques-uns. Voyage de le Maire. Paris, 1 6 9 9 ,
page 9 9 .
Tome IX . ' Y