LE C A R A C A L §j
UP iQU E le Caracal reffemble au Lynx par la
grandeur & la forme du corps, par l’air de la tête, & qu’il
ait comme lui le caractère fingulier & , pour ainfi dire,
unique d’un long pinceau de poil noir à la pointe des
oreilles; nous avons préfumé par les difconvenances qui
fe trouvent entre ces deux animaux, qu’ils étoient d’ef-
pèces différentes.Le caracal n’ell point moucheté comme
le lynx, il a le poil plus rude & plus court, la queue
beaucoup plus longue & d’une couleur uniforme, le
mufeau plus alongé, la mine beaucoup moins douce &
le naturel plus féroce. Le lynx n’habite que dans les pays
froids ou tempérés; le caracal ne fe trouve que dans les
climats les plus chauds : c ’ell autant par cette différence
du naturel & du climat, que nous les avons jugés de deux
* Le Caracal, nom que nous avons donné à cet animal, & que
nous avons tiré de (on nom en langue Turque, Karrah-kulak ou Kara-
tou/ac; en Arabe, Gat el Challah; en Perlan, Siyah-gush, ce qui dans
ces trois langues veut dire Chat aux oreilles noires.
Siyah-gush. Charleton, Exercitationes. Oxoniae, 1 6 7 7 , Pag- 21 >
22 & 2 } .
Siyah-gush. Auricula atra. Scheich làadi in libro Guliflan feu rofario
fexcentis circiter ab hinc amis confcripto quem perfce & latine edidit
Georg. Gentius. Ubi vide apologum Leonis & auriculæ atrae, pag. S i.
Le Pourvoyeur du Lion, félon plufieurs Voyageurs.
Le Guide du Lion, félon d’autres Voyageurs.
efpèces différentes , que par l’infpeétion & par la com-
paraifon de ces deux animaux que nous avons vûs vivans,
& qui, comme tous ceux que nous avons donnés juf-
qu’ic i, ont été deffinés & décrits d’après nature. -
Cet animal efl commun en Barbarie , en Arabie &
dans tous les pays qu’habitent le lion, la panthère & l’once;
comme eux, il vit de proie, mais étant plus petit &bien
plus foible, il a plus de peine à fe procurer fà flibfif-
tance; il n’a , pour ainfi dire, que ce que les autres lui
laiflent, & fouvent il efl forcé à fe contenter de leurs
refies : il s’éloigne de la panthère, parce qu’elle exerce
fes cruautés lors même qu’elle efl pleinement raffafiée ;
mais il fuit le lion qui, dès qu’il eil repû, ne fait de mal
à perfonne ; le caracal profite des débris de fà table, 6c
quelquefois même il l’accompagne d’affez près, parce
que grimpant légèrement fur les arbres, il ne craint pas
la colère du lion, qui ne pourroit l ’y fuivre comme fait
la panthère. C ’efl par toutes ces raifons que l’on a dit
du caracal, qu’il étoit le guide * ou le pourvoyeur du
* Les kgracoulacs font des animaux un peu plus grands que des
chats, & faits de même ; ils ont les oreilles longues de près de demi-
pied & noires, & c’efl; d’où ils tirent leur nom qui 'lignifie oreille
noire. Ils fervent de Chiaoux aux lions ( comme dilènt les gens du
pays), car ils vont devant eux quelques pas, & font comme leur guide
pour les conduire aux lieux où il y a de quoi manger, & pour récom-
penlè ils en ont leur part : quand cet animal appelle le lion, il lêmble
que ce foit la voix d’une perfonne qui en appelle une autre, quoique
pourtant la voix en foit plus claire. Voyage de Thevenot. Paris,
1664, tome Pü> pages 114. df 11 y.