66 A n i m a u x
9 oétobre 1759, que le bifon ou boeuf à boffe de
fille de Bourbon produit avec nos boeufs d’Europe; &
j’avoue que je regardois ce boeuf à boffe des Indes pluftôt
comme un bifon que comme un boeuf. Je ne puis trop
remercier M. de la Nux de m’avoir fait part de cette
obfervation, & il feroit bien à defirer qu’à fon exemple
les perfonnes habituées dans les pays lointains fiffent de
femblables expériences fur les animaux : il me fernble
qu’il feroit facile à nos habitans de la Louifiane d’efiàyer
de mêler le bifon d’Amérique avec la vache d’Europe,
& le taureau d’Europe avec la bifonne ; peut-être pro-
duiroient-ils enfemble, & alors on feroit afiiiré que le
chez moi la fouche de plufieurs générations, & je n’ai jamais eu de
taureaux indiens ni bretons, mais feulement des bifons entiers. Les
premiers bâtards du mélange des bifons avec les races bretonnes, ont
leur loupe ou bofîè fort petite : il y en a même qui n’en ont prefque
pas, feulement le defïits des omoplates eft plus charnu que dans les
boeufs bretons ou indiens ; encore après plufieurs mélanges de trois
races bâtardes, tout difparoît ; & j’ai actuellement plufieurs jeunes
bêtes qui n’ont pas la moindre apparence des bofîès ou loupes très-
diminuées que portent les mères qu’elles tettent. Nous nous fèrvons
ici des boeufs, de quelque races qu’ils foient, pour porter les grains
& autres denrées : l’âpreté de nos montagnes ne permet ni la charrue,
ni les charrois. Cet objet rend ici la race des bifons plus recommandable
; & la plufpart de nos anciens Colons .voient avec grand regret
la diminution progrefîive des loupes ou bofîès , ils font ce qu’ils
peuvent pour confèrver les louches les plus boffues ; en effet dans les
defcentes allez roides, cette bofîè retient la charge; malgré cela, j’ai
l’expérience, & depuis bien des années;, que la privation de la bofîè
ne rend pas nos boeufs moins propres à ce fervice. Il y a huit mois
que je me fuis défait d’un boeuf portant ou boeuf de charge, né chez;
d e l ’ a n c i e n C o n t i n e n t . 6y
Boeuf d’Europe, le boeufboffu de l’ifle de Bourbon, le
taureau des Indes orientales & le bifon d’Amérique ne
feroient tous qu’une feule & même efpèce. On voit
par les expériences de M. de la Nux que la bofle ne
fait point un caractère effentiel, puifqu’elle difparoît après
quelques générations ; & d’ailleurs j’ai reconnu moi-même
par une autre obfervation, que cette bofle ou loupe que
l ’on voit au chameau comme au bifon eft un caractère
qui, quoiqu’ordinaire, n’eft pas confiant, & doit être
regardé comme une différence accidentelle dépendante
peut-être de l’embonpoint du corps ; car j’ai vû un chameau
maigre & malade qui n’avoit pas même l’apparence
de la boffe. L ’autre caractère du bifon d’Amérique, qui
eft d’avoir le poil plus long & bien plus doux que celui
moi très-métis, qui avoit fervi pendant plus de quatre ans, & qui
n’avoit pas la moindre apparence de bofîè ; j’ai encore fit mère qui a
boffe & qui, âgée de dix-fèpt à dix-huit ans, donne encore des veaux
bien étoffés. Ces boeufs de charge font conduits & gouvernés par le
nez qu’on perce entre les narines : on pafîè dans l’ouverture un fer
courbé en croifîànt, un peu ouvert aux deux extrémités, auxquelles
font attachés deux anneaux; cette efpèce de bridon eft fupporté par
une têtière qui paffe derrière les cornes & les oreilles. La corde ou
longe de conduite, longue de quinze à feize pieds, eft attachée à l’un
des anneaux : ordinairement le boeuf devance le conducteur. J ’ou-
bliois de vous obferver que les bifons entiers ont toujours été trouvés
ici plus foibles, non feulement que les taureaux bretons, mais encore
que les bâtards de la race bretonne ; je fins bien qifbo voudrait favoir
ft cela eft égal dans les individus provenus d’un taureau & d’une
vache bifonne, & dans ceux provenus d’un bifon. Je ne fuis pas en
état de répondre, &c.