proportionnellement à l’efpace ; & cette quantité d’eau
fe trouve encore prodigieufement augmentée par le défaut
d’écoulement ; les hommès n’ayant ni borné les
torrens , ni dirigé les fleuves , ni .fléché les marais,
les eaux flagnantes couvrent des terres immenlës, augmentent
encore l’humidité de l’air & en diminuent la
chaleur : d’ailleurs la terre étant par - tout en friche Sc
couverte dans toute fbn étendue d’herbes groflîères,
épaifles & touffues , elle ne s’échauffe , ne fe sèche
jamais; la.tranfpiration de tant de végétaux, prefles les
uns cpntre les autres, ne produit que des exhalaifbns
humides & mal faines ; la Nature, cachée fous fes vieux
vêtemens, ne montra jamais de parure nouvelle dans
ces trilles, contrées, n’étant ni carefîee ni cultivée par
l ’homme, jamais elle n’avoit ouvert fon fein bienfàifànt;
jamais la terre n’avoit vu là furface dorée de- ces riches
épis qui font notre opulence & la fécondité.. Dans cet
état d’abandon tout languit , tout fe corrompt , tout
s’étouffe; l’air & la terre, furchargés de vapeurs humides
&nuifibles , ne peuvent s’épurer ni profiter des influences
de l’aftre de la vie ; le foleil darde inutilement fes rayons
les plus vifs fur cette mafle froide, elle eff hors d’état
de répondre, à fon ardeur ; elle ne produira que des êtres
humides;, des plantes , des.reptiles, de^infeétes, & ne
pourra nourrir que des hommes froids & des animaux
foibles.
C ’efl donc principalement parce qu’il y avoit peu
d’hommes en Amérique., & parce que la plufpart de
ces hommes, menant la vie des animaux, laifloient la
Nature brute & négligeoient la terre, qu’elle eft demeurée
froide ,; impuiflànte a produire les principes
aétifs, à développer les germes des plus grands quadrupèdes
auxquels il faut, pour croître & fe multiplier,
toute la chaleur, toute l’aétivité que le foleil peut donner
à la terre amoureufe ; c ’efl; par la raifon contraire que
les infeéles, les reptiles Si toutes les efpèces d’animaux
qui fe traînent dans la fange, dont le làng efl de l’eau,
& qui pullulent par la pourriture , font plus nombreufes
& plus grandes dans toutes les terres baffes, humides,&
marécageufes de ce nouveau continent.
Lorfqu’on réfléchit fin” ces. différences fi marquées
qui fe trouvent entre l’ancien & le. nouveau monde., on
feroit tenté de croire que celui-ci efl en effet bien plus
nouveau-j & qu’il a demeuré plus long - temps que
le refte du globe fous les eaux de la mer ; car à l’exception
des énormes montagnes qui le bornent vers l’ôuefl,
Si qui paroifient être des monumçns delà plus haute
antiquité du globe, toutes les parties baffes de ce continent
femblent être des terreins nouvellement élevés 8c
formés par le dépôt des fleuves & le limon des eaux :
on y trouve en effet, en plufieurs endroits, fous la première
couche de la terre végétale, les coquilles & les
madrépores de la mer , formant déjà des bancs, des
maffes de pierre à chaux, mais d’ordinaire moins dures
& moins compactes que nos pierres de, taille qui font
de même nature. Si ce continent eft réellement aiiifi