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pofféder parfaitement cette nomenclature, qu’un,très-
mediocre ufàge de fà mémoire, puifqu’il ne s’agira que
de retenir ces deux cents noms. A quoi fert-il donc
d’avoir fait pour les quadrupèdes des ciaffes, des genres,
des méthodes en un mot, qui ne font que des échafaudages
qu’on a imaginés pour aider la mémoire dans la
connOiffarice des plantes, dont le nombre efl en effet
trop grand, les différences trop petites, les efpèces trop
peu confiantes, & le détail trop minutieux & trop indifférent
pour ne pas les confidérer par blocs, & en
faire des tas ou des genres, en mettant enfemble celles
qui paroiffent fe reffembler le plus! Car comme dans
toutes les produéfions de l’efprit, ce qui efl abfolument
inutile efl toujours mal imaginé 8c devient fouvent nui-
fible; il efl arrivé qu’au lieu d’une lifle de deux cents
noms, à quoi fe réduit toute la nomenclature des quadrupèdes
, on a fait des Diétionnaires d’un h grand
nombre de termes & de phrafes, qu’il faut plus de travail
pour les débrouiller, qu’il n’én a fallu pour les compofèr.
Pourquoi faire du jargon & des phrafes lorfqu’on peut
parler clair, en ne prononçant qu’un nom fimple l pourquoi
changer toutes les acceptions des termes, fous le
prétexte de faire des ciaffes & des genres l pourquoi
lorfque l’on fait un genre d’une douzaine d’animaux,
par exemple, fous le nom de genre du lapin; le lapin
même ne s’y trouve-t-il pas , & qu’il faut l’aller chercher
dans le genre du lièvre * ! N ’efl-il pas abfurde, difons
* Vide Bri/ïon, Regn. animal, pag. 140 & 142.
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mieux, il n’efl que ridicule de faire des ciaffes où..l’on
raffemble les genres les plus éloignés, par exemple, de
mettre enfemble dans la première l’homme" 8c lachauve-
fouris, dans la féconde l’éléphant & le lézard écailleux,
dans la troifième le lion & le furet, dans la quatrième
le cochon & la taupe, dans la cinquième le rhinocéros 8c
le rat, 8cc. Ces idées mal conçues ne peuvent fe foûtenir;
auffi les ouvrages qui les contiennent font-ils fucceffive-
ment détruits par leurs propres auteurs ; une édition contredit
l’autre, & le tout n’a de mérite que pour des écoliers
ou des enfàns , toujours dupes du myftère, à qui l’air
méthodique paraît feientifique, & qui ont enfin d’autant
plus de refpeél pour leur maître, qu’il a plus d’art à leur
préfenter les chofés les plus claires & les plus aifées ,
fous un point de vue le plus obfcur & le plus difficile.
En comparant la quatrième édition de l’ouvrage de
M. Linnæus, avec la dixième que nous venons de
citer, l’homme b n’efl pas dans, la première clafîè ou
dans le premier ordre avec la chauve - fouris , mais
avec le lézard écailleux ; l’éléphant, le cochon , le
rhinocéros, au lieu de fe trouver le premier avec le
lézard écailleux, le fécond avec la taupe, & le troifième
avec le rat, fe trouvent tous trois enfemble c avec la
mufàraigne: au lieu de cinq ordres ou ciaffes principalesd
Vide Linnæi, Syjl. Nat. Holmiæ , 1 7 5 8 , loin. I , pag. 1 S & Sjf.
* Vide idem ibid. edit. IV. Parijîis, 1744, pag. 64.
c Idem ibid. pag. 60.
i Idem ibid. pag. 6g à" fequent.
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