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entre ces animaux qu’entre les quadrupèdes ; le plus gros
ferpent du Sénégal n’elt pas double de la grande couleuvre
de Cayenne, au lieu qu’un éléphant eft peut-être
dix fois plus gros que le tapir q u icom m e nous l’avons
dit, eft le plus grand quadrupède de l’Amcrique méridionale
; mais à l’égard des infeétes on peut dire qu’ils
ne font nulle part auffi grands que dans le nouveau
monde : les plus grolfes araignées , les plus grands fca-
rabées, les chenilles les plus longues, les papillons les
plus étendus fe trouvent au Brefil, à Cayenne & dans les
autres provinces de l’Amérique méridionale ; ils l’emportent
fur prefque tous les infeétes de l’ancien monde,
non feulement par la grandeur du corps & des ailes, mais
auffi parla vivacité des couleurs, le mélange des nuances,
la variété des formes ,de nombre des efpèces &, la multiplication
prodigieufe des individus dans chacune. Les
Crapauds, les grenouilles & les autres bêtes de ce genre
font auffi très-groffes en Amérique. Nous ne dirons rien
des oifeaux ni des poiffons, parce que pouvant paffer
d’un monde à l’autre, il ferait prefqu’impoffible de dif-
tinguer ceux qui appartiennent en propre à l’un ou à
l ’autre, au lieu que les infeétes & les reptiles font à,
peu près comme les quadrupèdes confinés chacun dans
fon continent.
Voyons donc pourquoi il fe trouve de fi grands reptiles,
de fi gros infeétes, de fi petits quadrupèdes &
des hommes fi froids dans ce nouveau monde. Cela tient
à la qualité de la terre, à la condition du c ie l, au degré
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de chaleur, à celui d’humidité, à la fituation, à l ’élévation
des montagnes, à la quantité des eaux courantes ou
ftagnantes, à l ’étendue des forêts, & fur-tout à l’état brut
dans lequel on y Voit la Nature. La chaleur elt en général
beaucoup moindre dans cette partie du monde, & l’humidité
beaucoup plus grande : fi l ’on compare le froid
& le chaud dans tous les degrés de latitude, on trouvera
qu’à Quebec, c’eît-à-dire fous celle de Paris, l’eau des
fleuves gèle tous les ans de quelques pieds d’épaiffeur,
qu’une maffe encore plus épailfe de neige y couvre la
terre pendant plufieurs mois, que l’air y eft fi froid que
tous les oifeaux fuient & difparoiffent pour tout l’hiver,
&c. cette différence de température fous la même latitude
dans la zone tempérée , quoique très-grande, l’efl
peut-être encore moins que celle de la chaleur fous la
zone torride : on brûle au Sénégal, & fous la même ligne
on jouit d’une douce température au Pérou ; il en eft
de même fous toutes les autres latitudes qu’on voudra
Comparer. Le continent de l’Amérique eft fitué & formé
de façon que tout concourt à diminuer Taétion de la
chaleur; on y trouve les plus hautes montagnes, & par
la même raifon les plus grands fleuves du monde: ces
hautes montagnes forment une chaîne qui femble borner
vers l’oueft le côntinent dans toute fà longueur ; les
plaines & les baffes terres font toutes fituées en deçà
des montagnes, & s’étendent depuis leur pied jufqu’à
la mer, qui de notre côté fépare les continens : ainfi le
yent d’eft, qui comme l’on fait eft le vent confiant & H