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général entre les tropiques, n’arrive en Amérique qu’a-
près avoir traverfé une très - vafle étendue d’eau fur
laquelle il fe rafraîchit ; & ç’eft par cette raifon qu’il
fait beaucoup moins chaud au Brefd, à Cayenne, 6cc.
qu’au Sénégal, en Guinée, &c. où ce même vent d’eft
arrive chargé de la chaleur de toutes les terres & des
fables brûlans qu’il parcourt en traverfànt & l’Afrique &
l ’Afie. Qu’on fe rappelle ce que nous avons dit au fujet
de la différente couleur des hommes, & en particulier
de celle des Nègres ; il paroît démontré que la teinte
plus ou moins forte du tanné, du brun & dû noir dépend
entièrement de la fituation du climat ; que les
Nègres de Nigritie & ceux de la côte occidentale de
l ’Afrique font les plus noirs de tous , parce que ces
contrées . font limées de manière que la chaleur y efl
conflamment plus grande que dans aucun autre endroit
du globe , le vent d’eft avant d’y arriver ayant à traverfer
des trajets de terres immenfes ; qu’au contraire les Indiens
méridionaux ne font que tannés, & les Brafiliens
bruns, quoique fous la même latitude que les Nègres,
parce que la chaleur de leur climat efl moindre & moins
confiante, le vent d’efl n’y-arrivant qu’après s’être rafraîchi
fur les eaux & chargé de vapeurs humides. Les
nuages qui interceptent la lumière & la chaleur du foleil,
les plifies qui rafraîchiffent l’air & la furface de la terre
font périodiques & durent plufieurs mois à Cayenne &
dans les autres contrées de l’Amérique méridionale.' Cette
première caufe rend donc toutes les côtés orientales de
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l’Amérique beaucoup plus tempérées que l ’Afrique 6c
l’Afie; & lorfqu’après.être arrivé frais fur ces côtes, le
vent d’eft commence à reprendre un degré plus vif de
chaleur en traverfànt les plaines de l ’Amérique, il efl
tout-à-coup arrêté, refroidi par cette chaîne'de montagnes
énormes dont efl compofée toute la partie occidentale
du nouveau continent, en forte qu’il fait encore
moins chaud fous la Ligne au Pérou qu’au’Brefd 6c à
Cayenne, &c. à caufe de l’élévation prodigieufe des
terres; auffi les Naturels du Pérou., du Chili, 6cc. né
font que d’un brun rouge 6c tanné moins foncé que
celui des Brafiliens. Supprimons pour un inflant la chaîne
des Cordillères, ou pluftôt rabaiflons ces montagnes au
niveau des plaines adjacentes, la chaleur eût été excef-
live vers ces terres occidentales, & l’on eût trouvé les
hommes noirs au Pérou 6c au Chili tels qu’on les trouve
fur les Côtes occidentales de l’Afrique.
Ainfi par la feule difpofition des terres de ce nouveau
continent, la chaleur y ferait déjà beaucoup moindre que
dans 1 ancien ; 6c en même temps nous allons voir que
1 humidité y efl beaucoup plus grande. Les montagnes
étant les plus hautes de la terre 6c fe trouvant oppofées
de face a la direétion du vent d’efl, arrêtent, condenfent
toutes les vapeurs de l’air & produifent par confé-
quent une quantité infinie de fources vives p qui par
leur réunion forment bien-tôt des fleuves les plus’
grands de la terre : il: y à donc beaucoup plus d’eaux
courantes, dans le nouveau continent que dans l’ancien y
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