les Efoagnols n’auroient pas manqué d’en tirer le même
avantage & de faire le même commerce, fi la civette
le fût en effet trouvée dans la nouvelle Efpagne.
D e la même manière que les Nomenclateurs ont
quelquefois peuplé mai-à-propos le nouveau monde
d ’animaux qui ne fo trouvent que dans l’ancien continent,
ils ont auffi tranfporté dans celui-ci ceux de l’autre ; ils
ont mis des philandres aux Indes orientales, d’autres à
Amboine \ des parelfeux à Ceylan b, & cependant les
philandres & les parelfeux font des animaux d’Amérique
fi remarquables, l’un par l’efpèce de fàc qu’il a fous le
ventre & dans lequel il porte fes petits, l’autre par l’ex-
ceffive lenteur de fa démarche & de tous fes mouvemens,
qu’il ne foroit pas poffible, s’ils euffont exifté aux Indes
orientales, que les Voyageurs n’en euffent fait mention.
Seba s’appuie du témoignage de François Valentin, au fiijet
du philandre des Indes orientales, mais cette autorité
devient, pour ainfi dire, nulle, puifque ce François
Valentin connoiffoit fi peu les animaux & les poilfons
d’Amboine, ou que fes defcriptions font fi mauvaifes,
qu’Artedi lui en fait le reproche, & déclare qu’il n’efl pas
poffible de les reconnoître aux notices qu’il en donne.
Au relie nous ne prétendons pas affurer affirmativement
& généralement, que de tous les animaux qui
habitent les climats les plus chauds de l’un ou de l’autre
continent, aucun ne fe trouve dans tous les deux à la fois ;
' Seba, vol. I, pages 61 & 64. h Idem ibid. pag. §p
A U X D E U X CO NT I N EN S. 1 1 9
il faudrait, pour en être phyfiquement certain, les avoir
tous vus : nous prétendons feulement en être moralement
fûrs, puifque cela ell évident pour tous les grands animaux,
lefquels fouis ont été remarqués & bien délignés
par les Voyageurs; que cela ell encore affez clair pour
la plulpart des petits, & qu’il en relie peu fur lefquels
nous ne puiffions prononcer. D ’ailleurs quand il fo trouverait
à cet égard quelques exceptions évidentes ( ce
que j ’ai bien de la peine à imaginer), elles ne porteraient
jamais que fur un très-petit nombre d’animaux, & ne
détruiraient pas la loi générale que je viens d’établir, &
qui me paroît être la foule boulfole qui puilfe nous guider
dans la connoilîànce des Animaux. Cette loi qui fo réduit
à les juger autant par le climat & par le naturel, que par
la figure & la conformation, fo trouvera très-rarement
en défaut, & nous fera prévenir ou reconnoître beaucoup
d’erreurs. Suppofons, par exemple, qu’il foit queltion
d’un animal d’Arabie, tel que l’hyæne; nous pourrons
affiirer, fans crainte de nous tromper, qu’il ne fo trouve
point en Lapponie , & nous ne dirons pas, comme
quelques-uns de nos Naturalifles, que l’hyæne3 & le
glouton font le même animal. Nous ne dirons pas, avec
Kolbeh, que le renard croifé, qui habite les parties les
plus boréales de l’ancien & du nouveau continent, fo
trouve en même temps au cap de Bonne-efjiérance, &
Voyeç le Règne animal, par M. BritTon, page 234.
1 Voyeçh defcription du;cap de Bonne-elpérance, par Kolbe. Anifl,
1 7 4 1 > Hlm111, page 62.,