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animaux d’efpèce différente1. Sans vouloir prononcer
décifivement fur cette queflion, il nous a paru que le
chat-cervier de Canada & le loup-cervier de Mofcovic
font de la même efpèce, i.° parce que la différence de
grandeur n’eft pas fort confidérable, 6c qu’elle efl à peu
près relativement la même que celle qui fe trouve entre
les animaux communs aux deux continens. Les loups,
les renards, &c. étant plus petits en Amérique qu’en
Europe, il doit en être de même du lynx ou loup-
cervier; 2.° parce que dans le nord de l’Europe même,
ces animaux varient pour la grandeur, & que les Auteurs
b font mention de deux efpèces, l’une plus petite
Sc l’autre plus grande; 3.0 enfin parce que ces animaux
affectant les mêmes climats Sc étant du même naturel,
de la même figure , 6c ne différant entre eux que par
la grandeur du corps 8c quelques nuances de couleur,
Ces caractères ne me paroiffent pas fuffifans pour les
féparer & prononcer qu’ils foient de deux efpèces
différentes.
cet Auteur, qui d’abord diftinguoit le loup-cervier du chat-cervier,
eft venu à penfer comme nous, que tous deux n’étoient que le même
animai.
1 F dis alba maculis nigris variegata, caudâ brevi.. . . Catus eervarius,
le chat - cervier. — Fdis auricularum apicibus pilis longiffimis preditis,
caudâ brevi,, . . Lynx, le loup-cervier. Brillon, Regn. anim, pag. 274.
& 275.
b Lynces ambre (magna id p a n a ) cotporis figuri fimiles font, i f
fimiliter utrifque oculi foaviter fulgent, fades utrifque alacris perlucct,
parvum utrifque çaput, & ç. Oppianus.
Le
L e lynx dont les Anciens ont dit que la vue étoit
affez perçante pour pénétrer les corps opaquès, dont
i’urine avoit la merveilleufe propriété de devenir un
corps folide , une pierre précieufe appelée Lapis lyncu-
riusj, eft un animal fabuleux auffi-bien que toutes les
propriétés qu’on lui attribue. C e lynx imaginaire n’a
d’autre rapport avec le vrai lynx que celui du nom. Il ne
faut donc pas, comme l’ont fait la plufpart des Natura-
liftes, attribuer à celui - c i , qui eft un être réel, les propriétés
de cet animal imaginaire, à l’exiftence duquel
Pline lui - même n’a pas l’air de croire ; puifqu’il n’en
parle que comme d’une bête extraordinaire, & qu’il le
met à la tête des fphynx , des pégafes, des licornes &
des autresprodiges ou mon (1res qu’enfante l’Éthiopie.
Notre lynx ne voit point à travers les murailles, mais
il efl vrai qu’il a les yeux brilians', le regard doux, l’air
agréable & gai ; fon urine ne fait pas des pierres précieufes,
mais feulement il la recouvre de terre, comme font les
chats, auxquels il refîemble beaucoup, Sc dont il a les
moeurs & même la propreté. Il n’a rien du loup qu’une
efpèce de hurlement, qui fe faifant entendre de loin a
du tromper les chaffeurs, & leur faire croire qu’ils enten-
doient un loup. Cela feu! a peut-être fuffi pour lui faire
donner le nom de loup, auquel, pour le diftinguer du
vrai loup, les chaffeurs auront a/oûté l’épithète de cervier,
parce qu’il attaque les cerfs, ou pluflôt parce que fa peau
eft variée de taches à peu-près comme celles des jeunes
cerfs, lorfqu’ils ont la livrée. Le lynx eft moins gros que
Tome IX, H h