jamais elle ne perd en entier fon caractère féroce, &
lorfqu’on veut s’en fervirpour la chaffe *, il faut beaucoup
de foins pour la drefTer, & encore plus de précautions
pour la conduire & l’exercer. On la mène fur une
charrette enfermée dans une cage, dont on lui ouvre la
porte lorfque le gibier paroît ; elle s’élance vers la bête ,
l ’atteint ordinairement en trois ou quatre fauts', laterraffe
Si l’étrangle : mais fi elle manque fon coup , elle devient
f’urieufe & fe jette quelquefois fur fon maître , qui
* Tigres ex Ethiopia in Ægyptum conveâas vidimus, etji mllo modo
cicuratoe hoe manfuejiant, ne que unquam fermant JVaturam relinquant;
font leoenis quam ftmiles & forma à f colore albicante, rotundis maculis
fulvefcentibus evariatoe fed leænis longe majores font. Profp, AIp. hift.
Ægypt. pag. 7 ......... Quand on a découvert quelques gazelles, on
tâche de les faire apercevoirau léopard, que l’on tient enchaîné fur une
petite charrette ; cet animal rufé ne fe met pas incontinent à courir
après, comme on pourrait l’imaginer, mais ii s’en va tournant, fe
cachant & fê courbant pour les approcher de près & les furprendre;
& comme il eft capable de faire cinq ou fix fàuts ou bonds d’une
vîteflê incroyable, quand il fê fênt à portée, il s’élance deffus, les
étrangle & lê fàoule de leur fâjig, du coeur & de leur foie ; & s’il
manque Ion coup, ce qui arrive aflêz fouvent, il en demeure là ;
auffi ferait-ce en vain qu’il prétendrait de les prendre à la courlê,
parce qu’elles courent bien mieux & plus long-temps que lui : le
maître ou gouverneur vient enfuite bien doucement autour de lui,
le flattant & lui jetant des morceaux de chair, & en l’amufànt ainfi, il
lui met des lunettes qui lui couvrent les yeux , l ’enchaîne & le remet
fur la charrette. Voyage de Bernier dans le Alogol. Amft, i p s o ,
tome I I , page 2 4 3 ù 1 fVivantes. Il paroît que c’eft de la grande
panthère dont il s’agit ic i , parce qu’on n’eft pas obligé de prendre
tant de précautions avec l’once.
de la Panthère, de VOnce fr du Léopard, i 6y
d’ordinaire prévient ce danger en portant avec lui des
morceaux de viande , ou des animaux vivans , comme
des agneaux, des chevreaux, dont il lui en jette un pour
calmer fà fureur.
Au refie l ’efpèce de l’once paroît être plus nom-
breufe & plus répandue que celle de la panthère ; on la
trouve très - communément en Barbarie , en Arabie &
dans toutes les parties méridionales de l’A fie , à l’exception
peut-être de l’Egypte a ; elle s’efl même étendue
jufqu’à la Chine, où on l’appelle Hi?ien-pao h.
C e qui fait qu’on fe fert de l’once pour la chaffe dans
les climats chauds de l’Afie , c’efl que les chiensc y
font très-rares; il n’y a, pour ainfi dire, que ceux qu’on
y tranfporte, & encore perdent-ils en peu de temps leur
voix & leur inflinét; d’ailleurs ni la panthère, ni l’once,
ni le léopard ne peuvent fouffrir les chiens, ils femblent
* H n’y a point de lions, ni de tigres, ni de léopards en Egypte.
Defcript. de l'Egypte, par Alafcrier. La Haye, 1 7 4 0, tome 11, p. 12 y .
k Hinen-pao. C ’eft une efpèce de léopard ou de panthère que l’on
voit dans la province de Pékin ; il n’eft pas fi féroce que les tigres
ordinaires. Les Chinois en font grand cas. Relation de la Chine, par
Thevenot. Paris, 1 6y 6, page i y .
° Comme les Maures, à Surate St fur les côtes de Malabar, n’ont
point de chiens pour chaffer les gazelles & les daims, ils tâchent de
fuppléer à ce défaut par le moyen des léopards apprivoifê's qu’ils
drefîènt à cet exercice. Ces animaux fê jettent adroitement fur la
proie , & quand ils l’ont attrapée ils ne la quittent point & s’y tiennent
fêrmement attachés. Voyage de Jean Ovingtott. Paris, s j2 y , tome 1 ,
page 2 y 8,