! 3 6 H i s t o i r e N a t u r e l l e
Je nourrit comme celle qui le frappe ; il rugit a la vue
. de tout être vivant; chaque objet lui paroît une nouvelle
proie , qu’il dévore d’avance de fes regards avides.,
qu’il menace par des ffémiflemens affreux meles d un
grincement de dents, & vers lequel il s élancé fbuvent
malgré les chaînes & les grilles qui hrifent fa fureur fans
pouvoir la calmer.
Pour achever de donner une idée de la force 3 de ce
cruel animal, nous croyons devoir citer ici ce que le
Père Tachard, témoin oculaire rapporte d’un combat du
tigre contre des éléphans ; « on avoit élevé, dit cet
» auteur ^ , une haute palifiàde de bambous d’environ cent
« pas en carré. Ail milieu de l’enceinte étoient entrés trois
» éléphans deftinés pour combattre le tigre. Ils avoientune
» efpèce de grand plaftron , en forme de mafque , qui leur
>. couvrait la tête & une partie*de la trompe. Dès que
» nous fumes arrivés fur le lieu , on fit fortir de la loge qui
» étoit dans un enfoncement, un tigre d’une figure & d’une
» couleur qui parurent nouvelles aux François qui affiftoient
» à ce combat; car outre qu’il étoit bien plus grand, bien
» plus gros & d’une taille moins effilée que ceux que nous
» avions vûs en France , fâ peau n’etoit pas mouchetee de
* Indi tigrim elephanto robufiiorem mul'to exifimant. - Nearchus fcribit
Indos referre tigrim ejfe maximi equi magnitudine, yelocitate & viribus
beßias omjies fuperare, elephantum etidm, inflientem in caput ejus, facile
fuffocarc. Gefn. H iß. quadrup. pag-937-
h Premier voyage de Siam, par le Père Tachard. Paris, 16 S 6 ,
page 2 9 2 Ù“ fuyantes. ,
même;
même ; mais au lieu de toutes ces taches fernées fans «
ordre , il avoit de longues & larges bandes en forme de «
.cercle; ces bandes prenant fur le dosfe rejoignoient par- «
deffous le ventre & continuant le long de la queue, y «
iàijfoient comme des anneaux blancs & noirs placés alter- «
nativement dont elle étoit toute couverte. La tête n’avoit «
rien d’extraordinaire, non plus que les jambes, hors«
qu’elles étoient plus grandes & .plus grades que celles «
des tigres communs, quoique celui-ci ne fût qu’un«
jeune tigre qui avoit encore à croître., car M. Confiance, «
nous a dit qu’il y en avoit dans le royaume de plus gros «
trois fois que celui-là; & qu’un jour étant à la chafie «
avec le R o i, il en vit un de fort près qui.étoit grand «
comme un mulet. If y en a auffi de petits dans le,pays, a
femblables à ceux qu’on apporte d’Afrique en Europe, «
& on nous en montra un le même jour à Louvo. «
On ne lâcha pas d’abord le tigre qui devoit combattre, «
mais on letint attaché par deux cordes, de forte, que«
n’ayant pas la liberté de s’élancer, le premier éléphant «
qui l’approcha fui donna deux ou trois coups de fâ trompe «
fiir le dos : ce choc.fut fi rude que le tigre en fut ren- «
verfé,& demeura quelque temps étendu fur la place fans «
mouvement, comme s’il .eût été mort, cependant dès «
qu’on l’eût délié., quoique cette première attaque eût«
bien rabattu de là furie, il fit un eri horrible & voulut «
fe jeter fur la trompe de l’éléphant qui s avançoit. pour le «
frapper; mais celui-ci la repliant adroitement, la mit à «
couvert par fes défènfes, qu’il préfenta en même temps «
Tome IX . S