longs traits le lang dont il vient d’ouvrir la lource, qui
tarit prefque toûjours avant que là foif ne s’éteigne.
Cependant quand il a mis à mort quelques gros animaux
comme un cheval, un buffle, il ne les éventre
pas fur la place, s’il craint d’y être inquiété ; pour les
dépecer à fon aife, il les emporte dans les bois a, en
les traînant avec tant de légèreté, que la vîtelTe de là
courle paroît à peine ralentie par la malfe énorme qu’il
entraîne. Ceci feul fuffiroit pour faire juger de là force ;
mais pour en donner une idée plus julle, arrêtons-nous
un inftant fur les dimenfions & les proportions du corps
de cet animal terrible. Quelques voyageurs l’ont comparé,
pour la grandeur, à un chevalb, d’autres à un bufflec,
d’autres ont feulement dit qu’il étoit beaucoup plus grand
que le lion'f Mais nous pouvons citer des témoignages
plus récens & qui méritent une entière confiance. M. de fa
Lande-Magon nous a fait alfurer qu’il avoit vû aux Indes
orientales un tigre de quinze pieds, en y comprenant làns
* Vide Jac. Bontii, Hiß. Nat. Ind. or. A111A, 1658, pag. j j .
h Voyez tes Voyages de Dellon, pages 1 04. & fuivantes.
' Les tigres des Indes, dit la Boullaye-le-Gouz, font prodigieufement
grands ; j’en ai vû des peaux plus longues & plus larges que celles des
boeufs; ils s’adonnent quelquefois à manger les hommes, & en plu-
f eurs endroits des Indes il n’y va point de voyageurs fans être bien
armes, parce que cet animal étant de la figure d’un chat, il fe hautlê
fur les pieds de derrière pour fauter fur celui qu’il veut aflàillir.
Voyage de la Boullaye-le-Gouz. Paris, j 6y 7, pages 2 4 .6 '& 2 4 7 .
1 Vide Proiper Alp. hß. nat, Ægypl. Lugd. Bat. 173 j, pag. 237.
— Et Wotton , page 6y .
doute la longueur de la queue ; fi nous la fuppofons de
quatre ou cinq pieds , ce tigre avoit au moins dix pieds
de longueur. II ell vrai que celui dont nous avons la
dépouille au cabinet du Ro i, n’a qu’environ fept pieds
de longueur, depuis l’extrémité du mufeau jufqu’à l’origine
de la queue ; mais il avoit été pris, amené tout jeune,
& enfuite toûjours enfermé dans une loge étroite à la
Ménagerie, où le définit de mouvement & le manque
d’elpace, l’ennui de la prifon, la contrainte du corps,
la nourriture peu convenable ont abrégé fa vie & retardé
le développement, ou même réduit l ’accroilTement du
corps. Nous avons vû dans l’hiltoire du cerf*, que ces
animaux pris jeunes & renfermés dans des parcs trop
peu Ijjacieux, non feulement ne prennent pas leur croif-
lànce entière, mais même fe déforment & devienne^
rachitiques & balfets, avec des jambes torfes. Nous
làvons d’ailleurs par les dilfeélions que nous avons laites
d’animaux de toute elpèce élevés & nourris dans des
ménageries, qu’ils ne parviennent jamais à leur grandeur
entière ; que leur corps & leurs membres qui ne peuvent
s’exercer, relient au deflous des dimenfions de la Nature ;
que les parties dont l’ulàge leur ell abfolument interdit,
.comme celles de la génération, font fi petites & fi peu
développées dans tous ces animaux captifs & célibataires,
qu’on a de la peine à les trouver, & que fouvent elles
nous ont paru prefqu’entièrement oblitérées. La feule
différence du climat pourrait encore produire les mêmes
* Voyez, te V Ie volume de cette Hilloire Naturelle, article du Cerf,
S P