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qu’il dit être beaucoup plus grand & mieux taché que
notre loup-cervier, pourrait bien n’être qu’une forte de
panthère. Quoi qu’il en foit de cette dernière conjecture
, il paroît que le lynx loup-cervier, dont il eft ici
queftion , ne fe trouve point dans les contrées méridionales
, mais feulement dans les pays feptentrionaux
de l’ancien 6c du nouveau continent. Olaus a dit qu’il
eft commun dans les forêts du nord de l’Europe :
Olearius h allure la même chofe en parlant de la Mof-
covie : Rofinus Lentilius dit que les lynx font communs
en Curlande, en Lithuanie, 6c que ceux de la Caffubie11
( province de la Poméranie ) font plus petits 6c moins
tachés que ceux de Pologne 6c de Lithuanie : enfin Paul
Jove ajoute à ces témoignages que les plus belles
peaux de loup-cervier viennent de la Sibéried, 6c qu’on
en fait un grand commerce à Uftivaga, ville diftante
de fix cents milles de Mofcou.
Cet animal qui, comme l’on voit, habite les climats
froids plus volontiers que les pays tempérés , eft du
nombre de ceux qui ont pû paffer d’un continent à
l’autre par les terres du Nord ; auflî l’a-t-on trouvé dans
* Hift. de géntibus feptent. ab Olao magno. Antuerpiae, 1558,
Jib. X V I I I , pag. 139.
h Relation d’Adam Olearius, tome 1, page z 2 1 .
c Auéluarium Hift. Nat. Polonice, Gabriele Rtpcyyjnski. Gedani,
1742.
i V d l Aldrov. de quadrup. digit. pag. 96*
d u L y n x o u L o u p - c e r v i e r , 239
l’Amérique feptentrionale. Les Voyageurs2 l’ont indiqué
d’une manière à ne s’y pas méprendre , 6c d’ailleurs on
fait que la peau de cet animal fait un objet de commerce
de l’Amérique en Europe. Ces loups-cerviers de Canada
font feulement, comme je l’ai déjà dit, plus petits 6c plus
blancs que ceux d’Europe ; 6c c ’eft cette différence de
grandeur qui les a fait appeler Chats - cerviers, 6c qui a
induit les Nomenclateurs h à les regarder comme des
* On voit encore chez les Gafpefiens trois fortes de loups. Le loup-
cervier eft d'un poil argenté ; il a deux cornichons à la tête ( il veut
dire aux oreilles ) qui font de poil tout noir. La'viande en eft allez
bonne, quoiqu’elle fente un peu trop le fâuvageon : cet animal eft
plus affreux à voir que cruel ; la peau en eft très-bonne pour en faire
des fourrures. ' Nouvelle relation de la Gafpejie, par le Père Chrétien
Leclercq. Paris, 16 9 1 , page 488. — Au pays des Hurons les loups-
cerviers font plus fréquens que les loups communs, qui y font allez
rares. Voyage de Saguar Theodat. Paris, 1 6y 2 , page y 0 y. — £n
Amérique fè voient bêtes raviffantes comme léopards & loups-cerviers,
mais de lions nullement. Singularités de la France antarâique, par
Thevet. Paris, 1 y y 8 , page 1 0 y .
1 M. Linnæus, qui demeure à Upfâl & qui doit connoître cet
animal puifqu’il fe trouve en Suède & dans les pays circbnvoifîns,
»voit d’abord diftingué le loup-cervier du chat-cervier. Il nommoit
le premier, felis caudâ truncatâ, ccrpore rufefcente maculato. Syfl. Nat.
edit. I V , pag. 6 4 ; & edit. V I, pag. 4 . Il nommoit le fécond , felis
caudâ truncatâ, corpore albo maculato. Syft. Nat. Idem ibidem. Il nomme
même en fuédois le premier W'arglo, & le fécond Kattlo. Fauna Suec.
pag. 2 . Mais dans fà dernière édition il ne diftingué plus ces animaux,
& il ne fait mention que d’une feule efjrèce qu’il indique par la phrafê
fuivante , felis caudâ abbreviatâ, apice atrâ, auriculis. apice barbatis,
& dont il donne une courte & bonne description. Il paroît donc que