
bien lui revient chaque toife. S’il s'en rapporte
à d’autres yeux qu’aux fiens, il eft difficile qu’il
ne Toit pas trompé. Malgré l’avis que je donne,
mon intention n’eft pas que le propriétaire fe
Îirêvale des lumières qu’il a acquifes pour ruiner
es prifataires. il faut que ces gens vivent, &
gagnent plus fur le prix fait que fi l’ouvrage avoit
été commencé & fini à journées ,N parce qu’ils
travaillent beaucoup plus, la tâche étant à leur
compte, que s’ils remuoient la terre à journées.
Il ne convient pas non plus que les intérêts du
propriétaire foient léfés j à prix fait, bien entendu
, il en coûte moins, & l’ouvrage eft beaucoup
plùtôt achevé. C ’eft au propriétaire à veiller
enfuite fur la manière dont l’opération s'exécute.
Pour cet effet, il coupe un morceau de bois ,
& marque la longueur de deux ou trois pieds ,
fuivant la profondeur convenue, & de tems à i
autre il vient fur le chantier, & enfonce en :
différens endroits cecte jauge , afin de fe convaincre
que les ouvriers fe font conformés aux i
conditions admifes.
Eft-il néceffaire, dans la [fouille générale du fol,
de comprendre celui fur lequel les allées font
ou doivent être tracées ? Plufîeurs auteurs font
pour la pofitive 5 cependant cela paroît une dé-
penfe fuperflue. C ’eft dans le cas feulement où
il feroit impoffible de fe procurer du fable & des
pierrailles , qu’ il convièndroit de fouiller la totalité
du fol. On pourroit encore éviter les trois
quarts de la dépenfe, en portant fur ces allées ,
& avec la brouette, un peu de terre des quar-
reaux voifins : alors les allées feront de niveau ,
ou fi l’ on veut, plus élevées que la terre.
Suppofons a&uellement que tout foit difpofé
pour commencer les tranchées fur la longueur ou
fur la largeur d’un quarreau. On commence par
enlever la terre de la première fouille de trois
pieds de profondeur fur quatre à cinq pieds de
largeur, & on la porte à l’autre extrémité du
quarreau. Les brouettes font très-commodes pour
? opération > d’ailleurs elles peuvent être conduites
par des femmes ou par dès jeunes gens,
dont les journées font de moitié moins chères
que celles des hommes , & elles font autant d’ouvrages.
On peut encore fe fervir de tombereaux ;
mais je réponds , d’après ma propre expérience,
que ce fécond moyen eft plus coûteux.
■ La première tranchée ouverte, & la terre enlevée
, les ouvriers commencent la fécondé &
en jettent la terre derrière éux , s’ils fe fervent
de pioches ou de tels autres inftrumens à manches
recourbés , en obfervant que la terre de deffus
foit retournée & forme le deflous. Au contraire
fi l’ouvrier travaille avec la bêche , il va à reculons
& jette devant lui & dans le creux, la terre
qu’il foulève avec cet outil. Dès que le fol n’eft
pas pierreux, on préférera la bêche à tout autre
infiniment, parce que la terre eft mieux & plus
régulièrement divifée, émiettée & nivelée. —
L’ouvrier continue ainfi fön travail, julqu’à ce
qu’il parvienne à l’extrémifé du quarreau. Là il
trouve la première terre tranfpçrtée , qui lui fert
à remplir le. vide formé par la dernière tranchée 5
alors le quarreau eft complettement défoncé
& fa fuperficie fe trouve de niveau.
Plufieurs particuliers couvrent de fumier la
fuperficie du fol à défoncer. On ne voit pas le
but de cette opération, à moins que le terrain
ne foit deftiné a être tout à la fois & légumier
& fruitier. Dans ce ca s , l’engrais fervira & fa-
vorifera l’accroiffement des racines des arbres
qu’on doit planter y mais dans un fimple légumier
, les racines des plantes n’ iront jamais chercher
la nourriture à trois pieds de profondeur ;
ni aucun travail, à moins qu’il ne foit femblable
au premier , ne ramènera jamais plus cet engrais
à la fuperficie. Si les tranchées ont été bien conduites
, la terre de la fuperficie_, une fois retournée
, doit occuper le fond de la tranchée 9
& celle du fond le deffus.
Dans quel tems doit-on commencer à ouvrir
les tranchées ? Cela dépend des faifons , du climat
, de la nature du fol & de l’époque à laquelle
les ouvriers font le moins occupés. Dans
les départemens méridionaux , il convient de
commencer l'opération à la fin de ventôfe ou de
pluviôfe , afin que la terre ait le tems de s’ap-
J proprier les influences de l'atmofphère , & d’être
pénétrée par la lumière & la chaleur vivifiante
du gros foieil d'été y quelques légers labours %
même à la charrue , fuffiront à la préparation
des planches , dés tables , &c. à moins qu’il ne
foit furvenu de groffes pluies d’orage > on pourroit
encore commencer à ferner & à planter les
légumes pour l’hiver fuivant. Il eft: bon cependant
d’obferver qu’ il vaut mieux donner quelques
coups de charrue pendant l’été , afin de détruire
les mauvaifes herbes , que de trop tôt fe hâter
de ferner & de planter. Dans les départemens
du nord , l’automne eft la faifon favorable y la
terre n’eft ni trop fèche ni trop mouillée. Si
elle eft trop fèche , le travail eft long, pénible
& coûteux y fi- elle eft trop pénétrée par l’eau •
il eft inutile de le commencer y (on pétriroit la
terre , on la durciroit & on la retourneroit mal.
Dans quelque climat que l ’on habite , on doit
confulter les circonftances ; l’hiver & les glaces
produifent dans le nord un effet oppofé à ceux
des départemens méridionaux y ils foulèvent le
terrain & l’émiettent, mais les pluies & la fonte
des neiges le taffent & le plombent trop vite.
Plufieurs auteurs qui fe font fidellement copiés
les uns après les autres, confeillent de défoncer le
le fol jufqu'à la profondeur de quatre pieds, fi
on ne peut pas facilement fe procurer ae l ’eau
pour arrofer, parce que la terre ainfi profondément
retournée, conferve.la fraîcheur pendant
plus long - tems. Je demander ois à ces auteurs
s’ils penfent de bonne foi que cette terre fe fou-
tiendra toujçurs ainfi fou levée ; fi petit à petit
elle ne fe plombera pas , & fi une fois plombée
elle conferveri plus de fraîcheur qu auparavant 2
Je croîs au> contraire qu’il y aura plus d’évaporation
, & par conféquent, que les effets de la
féchereffe* fe manifefieront bien plus vite. Sans Ja
quantité d’eau convenable pour les arrofemens ,
il faut renoncer à toute efpèce de grand légumier,
à moins que l’ on n’habite un pays où les
pluies foient très-fréquentes pendant l'été , &: en
outre , un pays où la chaleur foit très-tempérée
dans cette faifon.
J’ai dit plus haut que le fol des tranchées
devoit être défoncé à la profondeur de trois
pieds , mais c’eft dans le cas qu’on plante des
arbres fruitiers dans le légumier y autrement la
trancheë de deux pieds de profondeur eft très-
fuffifante, parce qu’on ne connoît point de légumes
à racine pivotante qui plongent au-delà de ce
terme. A quoi fert donc de multiplier la dépenfe , j
& d’enfouir au fond de la tranchée de trois pieds
la terre de la fuperficie qui ne reverra jamais le
jour , & qui devient inutile à la nourriture des
plantes ?
Si la fouille a été faite immédiatement avant ,
l’hiver , il eft à propos de couvrir le fol avec
du fumier bien confomméj afin que les pluies,
les neiges la détrempent & imbibent la terre de
fa graiffe.^ Si au contraire , la fouille a „été faite
pendant l’hiver, il convient d’enterrer le fumier .
à quelques pouces de profondeur , afin que l’ardeur
du foieil & le courant d’air ne detruifent
& ne faffent pas évaporer fes principes vivifians.
Ce qu’on vient de dire fuppofe qu’on n'a pas
la puérile envie de jouir du terrain aulfi-tôt après-
que le travail eft fini. Il faut que la terre' de
deffous , ramenée à la fuperficie ,-ait eu le tems
d’être travaillée & pénétrée par les météores. On
éloigne, il eft vrai, le moment de jouir , mais
on jouit enfuite bien plus sûrement.
Jufqu’ à préfent tout a été du reffort des manoeuvres
des journaliers > ici commence le travail
du jardinier. Il foudivife fes quarreaux en tables
ou planches, & difpofe le local des petits fen-
tiers de réparation. Si le jardin doit être arrofé J
par irrigation , il trace le plan des rigoles & celui
des plate-bandes y en un mot , il prépare le
terrain pour recevoir des plans enracinés , ou. les
femenc.es.
Le fimple jardin ne demande aucune étiide y
des quarreaux plus ou moins allongés font tout I
ce qu il exige. C ’eft la commodité, la facilité i
Art aratoire.
dans le fervice , dans l ’arrofement, le tranfport
du fumier qu’il faut fe procurer, par-de (fus tout ;
enfin ne rien négliger de ce qui tend à Amplifier.
le travail & à diminuer les frais de main-
d’oeuvre. C ’eft-là le premier bénéfice.
Il me refte encore une queftion i examiner.
Les fouilles ou tranchées plus ou moins profondes
font-elles indifpenfables dans tous les cas
lorfqu'il s’agit de créer un jardin ? Elles ifont
très - utiles en général , mais elles ne font pas
d’une nécefiîté abfolue. Cette-' diftindion tient à
la qualité du fol ; en effet, fi la couche de terre
eft par elle-même profonde, meublée, riche, fi
elle ne retient pas trop d’eau , à quoi fervironc
les grandes tranchées ? Si le fol eft naturellement
compofé d’un fol gras &' fertile , les fouilles le
rendront d’un côté plus perméable à l’eau , &
de l’autre plus fufceptible d’évaporation. Les
fouilles ont pour but de faciliter le pivotement
'& l’extenfion des racines , & dans les deux cas
cité s , rien ne s’oppofe à leur développement.
Les grandes fouilles font donc très-inutiles : il
fuffit avant de tracer le jardin , :d’égalifer le terrain
à la charrue , afin d’enlever les brpuffaüles ,
les touffes d’herbe, & de paffer enfuite la herfe
fur deux labours croifés, afin de niveler & d’égaler
le terrain. On parviendra par cette méthode
à tracer facilement les a’.lées, & la plus légère
raie les deffinera & les féparera à l’oeil , du fol
deftiné à former les quarreaux, les plates-bandes,
&c. Le plan une fois tracé , arrêté & fixé
ar différens piquets, il ne s’agit plus que de
ien former la fuperficie , & de donner un fort
coup de bêche pour l’enterrer.
Du tems de femer.
Fixer une époque, générale pour les femailles,
c’eft établir l’erreur la plus décidée, ou bien il
faut fe contenter d’écrire pour un'canton ifo lé ,
& encore doit-on fubordonner à la manière d’être
des faifons , les préceptes que l’on donne. Ce pendant
comme on ne peut traiter ici de tous
les cantons de la république en particulier on
fe contentera d’envifager les deux extrémités ,
celle du midi & du nord , comme les deux qui
font les plus oppofées. Les particuliers“dont les
jardins s’éloignent des extrémités de l ’un ou l’autre
climat, modifieront l’époque des femailles en rar-
fon de leur éloignement, & fur-tout en raifon
des abris que la nature leur fournit.
Lille en Flandre & Paris ont des exemples
pour le nord , Marfeille & Béziers pour le midi.
Les deux * * indiquent qu’il faut femer fur couche
& fous cloche pour le climat de Paris feulement.
La couche & la grande paille , au befoin ,
fuffifent pour l’autre. La feule * marque que la
graine demande à être femée dans ün lieu bien
abrité 5 le refte faos * en pleine terre.Y