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Il paroit probable qu'à la fuite du tems Sr à
force de culture, la terre rouge qu'on a mêlée
avec celle de deflTus deviendrait bonne ; mais un
fermier ne veut pas s'expofer à perdre plufîeurs
récoltes : d'ailleurs il lui en coûte moins pour ne
labourer que la fupeificie de la terre , que pour
la labou'eri une grande profondeur.
On laboure ces terres avec de petites charrues
qu'on appelle à oreille , parce qu'à côté du
foc qui eft allez étroit, il y a une planche contournée
de façon qu'elle renverfe la terre du
coté qu'elle eft placée ; & comme cette planche
peut être changée de cô té , le charretier eft
le maître de renverfer la terre du côté qu'il
veut.
Pour rendte ceci plus clair, fuppofons qu'un
charretier commence fa raie en A , 8c qu'il aille
en B. Ayant mis l'oreille de fa charrue du côté
.de fa main droite , & incliné le coutre du même
cô té , il renverfera la terre du côté d e t t e .
Etant arrivé en B„41 retourne fa charrue j mais
comme il veut encore renverfer la terre du côté
de e c c dans le fillon quil vient de faire, avant
de commencer la raie. D , il détache l'oreille du ;
côté droit où elle é to it, & il l'attache du côté
de fa main gauche ; il change auflî'la direéïion
du courre. De cette façon, la terre qu'on laboure
fe renverfe toujours dans le fillon qu'on
vient de former, 3c tout le champ fe trouve
labouré à plat.
Si l’on a fait le premier labour de A en B ,
ou fait leJecond de O en D , & les raies le
trouvent difpofées comme d, e.
II paraît que par ce croifément les mottes font
mieux brifées , & la terre mieux remuée ’que fi
l'on faifoit tous les labours dans le même fins de
A en B. Lorfque les terres ont beaucoup de
pente, ou lorfqu’elles font longues & étroites ,
comme il n’eft pas alors poffible de croifer les
raies, on.les biaife le plus qu’on peut ; & fi les
raies du premier labour ont eu la direéïion ƒ ,
on donnera à celles du fécond la direéïion h , i.
]
Quand les .terres font fortes , telles qu'un 1
fable gras, on fe fert de cha rues plus fortes I
que pour lés terres dont nous venons de parler. 1
Le foc de cés charrues eft au moins une fois.]
aulfi large que les focs des charrues à oreillè.
Ces grandes charrues n'ont point cette partie !
qu'on nomme l'oreille ; mais elles ont une pièce i
de bois qui en tient lieu, qui eft fermement at- j
tachée au côté droit de la charrue. On ia nomme i
le verfoir ; 8c pour cette raifos, l'on appelle ces !
fortes de charrues des charrues a verfoir. Il eft !
évident^ que comme, le verfoir eft toujours, du :
-même coté de la charrue , il renverfe toujours ■
la terre du même côté qui répond à la main ;
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droite du charretier. Ç'eft pourquoi l’on ne laboure
pas avec ces. charrues comme avec celles
a oreille.
Pour faire comprendre cette autre façon de
labourer, fuppofons qu'on veuille labourer la
pièce AB CD j le charretier va de A en B , & il
renverfe la terre fur fa droite vers E. Enfuite il
va commencer une autre raie en G j & allant
v e r sD , il renverfe encore la terre fur fa droite
▼ ers F. Puis il tranfporte fa charrue pour ouvrir
une nouvelle raie en*G, & allant vers H , il
renverfe Ja terre fur fa droite vers E dans* le
fillon qu'il avoit formé en faifant la çaié A B .
Cette raie achevée , il en va commencer une
en I ; & allant vers K , il renverfe la terre fur la
droite dans le fillon qu'il avait formé en faifant
la raie C D , & quand tout le champ eft ainfi
labouré , il refte un grand fillon au milieu.
Ces charrues ne font pas un labour profond.
Comme le foc eft fort large , elles enlèvent une
grande largeur de terre qu'elles renverfent à côté
prefijue tout d'une pièce. Il eft Yrai- qu'on a
plutôt laboute un arpent avec ces charrues
qu avec celles a oreille ; mais aufti il faut quatre
forts chevaux pour tirer les . charrues a verfoir
, au lieu que deux fuffifent pour celles à
oreille.
Au fécond labour , on commencera ouvrir la
première raie de n en o, & l’on yerfe la terre
dans le grand fillon LM. Puis on ouvre une raie
de p en W renverfant encore la terre dans le
fillon LM qui fe trouve rempli. La fécondé raie
s'ouvre de r en s , la troifième deren a , & l'on
finit par une raie de * en y., & une de ? en
ou il refte deux petits filions qu'on remplit lorf-
qu on donne un troifième labour, après lèquel
il refte un grand fillon au milieu du champ comme
au premier labour.
Comme par cette façon de labourer ôn ren-
■une bande de terre ou de larges gazons a
coté de la charrue , on ne croit pas que la terre
| foit aufli bien remuée qu'elle l'eft par le labour
qui eft fait avec la charrue à oreille.
La largeur des gazons que la charrue enlève 3
donne ocçafion aux pareffeux.de faire une tr,ès-
mauvaife manoeuvre que nous allons explir
. J© fuppofe, dit Duhamel, qu'on veuille, labourer
un champ pareil à A B C D , le laboureur
commencé une raie en A , & il renverfe la terre
du côté E j il va enfuite , comme on l'a dit plus
h^ut, commencer une autre raie en C , & il
renverfe la te-.'re du côté F. Quand il eft.arrivé
en D il va former une troifième raie du côté
de A i mais au lieu de la commencer en G pour
renverfer la terre dans le fiilpn , il la commence
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en H , & il renverfe la terre fur la terre non
labourée G qui eft à côté, & il refte un fillon
HL. Il va enfuite commencer une autre raie dje
M en N , renverfant la terre fur une leffe de
terre qui n'a point été labourée.
*Et continuant ainfi jufqu'à la fin , toute la
terre paroît laboiirée par de profonds filions ,
quoique réellement on n'en ait labouré que la
moitié. Ceux qüi fuivent cette méthode ^ n'ayant ’
en vue que de détruire l'herbe , ils croyant faire
des merveilles, parce que l'herbe qui eft fur les
endroits non labourés, eft étouffée par la terre
qu’on renverfe defllis. Mais il ne s'agit pas feulement
de faire périr l'herbe , il faut de plus remuer
& atténuer la terre î c'eft ce que cette
efpèce de labour ne peut opérer. Il eft vrai
qu'au fécond labour on forme les filions où
étoient les éminences, qu'on renverfe dans les
anciens filions. Mais qu'arrive-t-il de - là ? C'eft ■
qu'on croit avoir fait deux labours, & que réellement
on n'en a fait qu'un j puique toute la
terre n'a été remuée qu'une fois.
Quand les terres font très-fortes & argilleu-
fe s , on. les laboure arec des oharrues à verfoir
comme les précédentes 5 mais leur foc n'eft pas
fi l a r g e & elles piquent plus avant en terre.
-C’eft pourquoi il faut quatre chevaux pour les
tire r , quoiqu'en faifant chaque raie on remue
une moindre largeur de terre.
Les terres fpongieufes ( ou qui boivent l’eau)
fe Lbourent à plat, mais on eft obligé de donner
un ^écoulement à l'eau lorfque. les terres la
retiennent. C'eft pour cela qu'on-a coutume de
former dans les terres argilleufes des filions dans
lefquels l'eau fe ramaffe & s'écoule comme dans
des ruifleaux.
Quand les terres ne font pas extrêmement fu-
jettes à être inondées, on fait les raies à une
plus grande diftance^ les. unes des autres j c'eft
quelquefois à cinq toifes,^quelquefois à quatre.,
quelquefois à deux;. & les terres ainfi labourées
s’appellent des terres labourées en planches.
Lorfque les terres font plus fujettes auxinondations
on fait les filions beaucoup plus près à
près, ne laiftant d’un fillon à l’autre que trois ou
même deux pieds de di(lancé 5 & ces terres font
dites labourées en billons.
Il faut expliquer comment on s’y prend pour
donner cette forme aux guèrets.
Suppofons pour cela' qu’on veuille labourer en
planches la pièce A B C D , & qu'on fe propofe
de placer les filions en E E E E . .
Le,.laboureur commence par- ouvrir une raie j
de F en G , puis il en ouvre une autre de L j
en J-.quuempiic le fillon qu’i} vient de former.. J
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U revient de H en K , renverfant encore la
terre du côté du fillon F , ce qui forme le milieu
de la planche; & continuant de labourer de M
en N , de O en P , de Q en R . de S en T , une
planche eft formée, & elle eft bordée de deux
filions ; ce qu'il falloit faire.
■ ci Souvent o.n laboure toute la terre à plat avec
la charrue à verfoir ; & quand tout le champ eft
enfemencé 8c herfé , l'on fait-de diflance en dif-
tance les raies E E E E qui forment les planches.
Mais cette méthode n'eft pas fi bonne que la
précédente., parce que les planches étant plates
& bordées d'une petite élévation de terre, l'eau
s'en écoule moins bien.
Pour labourer pir billons, on ouvre un fillon
de A en B , puis allant dé C en D , & de E en
F , non-feulêment on remplit le fillon , mais on
forme en cet endroit une éminence qu’on nomme
le billon , qui eft bordée de deux filions. On
fait la même chofe aux endroits G H , 110, 8c
toute la pièce eft labourée en billons.
Il y a aufti des parefleux qui ouvrent une raie
de a. en b , renverfant la terre fur Fefpace cee
qui n'a point été labouré,; puis ils ouvrent une
autre raie de d en e , renverfant encore la terre
fur l'efpace c c c. De cette, façon, toute la terre
paroît labourée, quoiqu’elle ne le foit effeêtive-
utent qu'à moitié.
11 eft inutie de faire obferver que comme on
ne fait tous ces filions que pour. égoutter les
eaux, il-faut lès diriger fuivant la pente du
champ qu'on laboure, afin que l'eau s’écoule
plus promptement.
Les terres légères ou douces qui ont été labourées
à plat ou par grandes planches , font
enfemencees à ja main. La plus grande partie des
grains tombe dans le fond des raies ; enfuite la
herfe abat les.éminences des raies dans les petits
filions. De cette'façon le bled eft enterré, 8c il
feroble qu’il a été femé par petites rangées, ou
comme dans des rigoles.
Il ne feroit pas poffible de femer de même
lés terres très-fortes 8c argilleufes , parce que
les mottés étant dures , la herfe ne peut les
brifer , 8c faute delfus, 8c le bled leroit toujours
mal enterré. C ’eft pourquoi l'on enterre le
bled à la charrue, c'eft-à-dire , qu'on répand la
Giméhcè- avant de donner le dernier- labour qui
renverfe la terre 8c recouvre le grain.
Nous.l'avons dit plus haut; il ne convient
pas de labourer toujours les terres de la même
.manière.^ C'eft pourquoi une charrue, qui eft
propre à labourer une efpèce de terre , ne
vaut rien pour en labourer une d'un autre
genre,