couverte me fit auffi-tôt quitter les Infeétes, & , fans prendre
avis, ni en être requis de perfonne, j ’entrai dans une. Lice,
où je me trouvai tout auffi neuf, que je l’avois été en Anatomie,
& j?eus le bonheur d’y réullir affez, pour m’apercevoir
qu’on ceffe quelquefois d’être agréable, lors qu’on commence à
devenir néceffaire.. .Cela ne me rebuta pourtant pas. Je continuai
encore pendant cinq ans le même travail. Enfin, S. A.
R ., Madame la PrincefTe Gouvernante, fenfible à mon procédé,
m’en ayant fait témoigner fa fatisfaftion, s’offrit de
me recompenfer, en me laiffant le choix des Emplois qui vien-
droient à vaquer. Content de ma fortune, je ne jugeai pas
à propos de profiter de cette offre, & je me bornai à quelque
marque publique de diftinétion, qu’elle m’eut fait'donner, fans
des obftacles, dont ce n’eft pas ici le lieu d’inftruire le Public;
Quoiqu’il en fa i t , ce qui fe pafTa alors, me fit reffouvenir de
mes Infectes, & fi je ne me repentis pas d’avoir, pendant fix
ans, ufe mes facultés à fèrvir ma Patrie, je regrettai du moins
d’avoir abandonné fi longtems un Ouvrage que je delîrois d’achever.
Je pris le Burin, dont j’avois préfque oublié le maniement
; & au bout environ de deux ans & demi de travail,
fouvent interrompu , je parvins à finir mes dix-huit Planches,
dont je gravai, pour plus de précifion, moi - même toutes les
Lettres & l’Ecriture. C’eft ainfî , comme l’on v o it , que cet
Ouvrage eft plutôt le fruit dé quelques boutades de mauvaifè
humeur, que d’ un goût décidé pour l’Anatomie.
Q u’ on ne croye cependant pas, pour cela, que j ’aye traité :
mon fujet négligemment : j ’y ai donné autant d’attention que
fi j ’y avois trouvé un extrême plaifir, & j ’ai poulTé l’exa&itu-
de a un tel point, que quand il y ferôit allé du repos dé l’E tat,
ou du bien de l’Europe^ je ne xiois pas que j ’euffe pu la
porter au-delà de ce que j ’ai fait;.• Auffi peut-on compter,.que
quand je m énoncé* affirmativement-, & je le fais prefque partout,
ce n’eft qu’après. avoir reconnu ,p a r un'examen attentif
& reïtèréj que la chofb , dans mon fujêt, s’eft- trouvée telle que
je le dis, . Dès que l ’extrême delicateffe des parties, leur enlacement,
ou quelque dérangement, caufe par la diffection., ne
m’ont pas permis de parvenir à ce degré de certitude, ce: qui
n’eft arrivé que rarement, Je quitte, le tôn pofitif, & je me
contente de dire, fa i cru voir \ il m'a fimblé ; il m’a paru,
que la chofe étoit ainfi.
U n point, qui m’a d’abord embarraffé,: étoit, comment m’é noncer
dune façon claire, & en;même teins coneifè, dans, un
fujet auffi compofé & auffi neuf que cette Anatomie. De donner,
à chaque partie, un nom particulier, comme l’on a fait à
celles du Corps humain, où chaque Os, chaque Mufcle, cha-
que Nerf, .chaque Veine, a fon Nom propre j j e-eut été folie.
Dix mille Noms n’y auroient pas fuffi ; il eut fallu un Diétion-
naire pour les trouver, & etre bien desoeuvré, pour vouloir s’en
charger la Mémoire. De défigner chaque fois ces parties par
des Circonlocutions, eut rendu ce Traité d’une longueur &
d’un ennui infupportables.. Il m’a paru le mieux , de ne donner’
des Noms particuliers qu’à un petit nombre de parties d’un