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propre à infpirer aux Sujets, l’amour de la Vertu & du Bien-
public; aux Souverains, celui de la Juftice & de la Paix, l’a-
verfion pour l’efprit de defpotifme «Sc de conquête,, fourcfc des
maux, du Genre-humain, je conviens, d is-je, qu’un tel Hifto-
rien mérite une très haute eftime ,* mais que font ordinairement
la plûpart des faits mémorables que nombre d’entr’eux
fe font plus à transmettre à la Pofterité, & à nous propofer pour
exemple? Ce font des actions feroces, des guerres, des carnages,
des maifacres, des perfecutions, des incendies, des ufur-
pations, des parjures, des vengeances, des perfidies. Bien des
fois les fuccès des principaux Acteurs de ces affreufes fcènes,
s’y trouvent exaltés & célébrés avec une prévarication & une
lâcheté infupportables. Que d’autres fe plaifent à remplir leur
elprit ou leur papier de faits éclatans de cet ordre, & a les
admirer; les belles Couleurs que l’on y donne ne m’empêche-
ront pas d’y demeler fouvent, avec horreur, un Roi barbare,
un Miniltre foelerat, des Peuples malheureux, 5c le refultat de
toute cette lecture fe réduira, à me faire perdre une grande
partie de la bonne opinion que je me plaifois à avoir de mes
femblables, & â me faire déplorer le malheur du Genre-humain,
incapable de fe gouverner lui même , & ii fouvent expofé à
être gouverné par ce qu’il y a de plus méchant dans la Nature.
Qu’eft-ce aufli, d’un autre cô té , que les Ouvrages des Hommes,
pour mériter beaucoup qu’on s’y arrête? Toûjours fuperfi-
ciels, ils fe montrent par leur beau côté ; mais ils perdent à
être approfondis, & le fond n’en eft qu’imperfeétion, néant, ou
peu de choie- Les Ouvrages de la Nature,au contraire, fe montrent
trent par le côté qui frappe le moins; mais leur beauté fo développe
à mefure qu’on les examine ; plus on les approfondit
plus on les admire, & jamais on ne parvient à les épuifer.
Leur Etude eft donc certainement préférable à celle des Ouvrages
des Hommes, & , pour tout autre qu’un Politique, à celle de
leurs Aétions, & mérite bien par conféquent qu’on y employé
une partie de fpn loifir.
Q u ’ o n ne fe flatte, pourtant pas d’y faire des progrès eh
les étudiant dans les! Auteurs Anciens; Ils ont avancé trop de
faits à la- légère; moins encore en les étudiant dans ces Auteurs
ineptes, qui, fans rien approfondir, veulent tout expliquer, &
forment-, de cet Univers,- fl admirable dans fon tout & dans chacune
de fes parties, un Cahos d’extravagances, dont la fource
eft l’orgueil & la corruption, & dont le terme eft l’Athéïf-
me. On prendrait volontiers ces fortes d’Ecrivains pour autant
de Don Quichottes Reftaurateurs de la Ph'ilofophie errante,
qui, quoiqu’aftis, les Yeux bandés, fur des Chevillards immobiles,
croyent, feduits par du vent & un feu trompeur, prendre
l’effor, & s’élever au deffus de la Iphère commune des mortels,
lorfqu’après s’être annoncés comme. Génies du premier ordre,
& avoir traité de préjugés , de fauffetés & de chimères
tout ce qu’il y a de plus refpeâable, de plus vra i, & de plus
démontré, ils y fubftituent, d’un ton impofant & de maître, des
imaginations plus creufes & plus diflonantes que les viflons de
la Caverne de Montéfinos. Non, ce n’eft pas à eux que l’on
doit s’addrefler, fi l’on cherche plutôt à s’inftruire qu’à perdre
le tems, & que l’on préféré le vrai au faux, le folide au bril-
* * * 2 lant,