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tudes, pour être expofée comme il faut, auroit exigé nombre
d’expériences, que la répugnance que j’ai à faire fouffrir les
Animaux, ne m’a pas permis der tenter ; répugnance, qui efl
même allé fi loin, que j ’ai ufé de la plus grande épargne par
rapport à mes fujets, & que je ne crois point que tout ce
Traité ait coûté la vie à plus de huit ou neuf Chenilles. Encore
ai-je eu toujours foin de les noyer dans de l’eau , avant
que de les ouvrir.
J e ne doute pas, au refte, que ceux qui ramènent tout à
leur utilité direfte, ne trouvent que j ’ai bien mal employé mon
tems de l’avoir donné à l’Anatomie d’un Vermiffeau. Combien
de fois ne m’a-t-on pas reproché d’avoir appliqué le peu
de talens que l’on me prête, à des fujets de cette nature, au
lieu d’en faire ufage pour des objets plus utiles & plus rélèvés,
ou de n’avoir pas du moins travaillé fur le Corps humain, fi
je voulois diffequer 5 mais ces gens femblent ignorer qu’il ne
dépend aucunement de nous, de nous appliquer avec fiicces a
ce que bon-nous femble. Pour réufîir dans une Chofe, il faut
tout au moins qu’on la falfe fans répugnance, & je m en fuis
toujours fenti à fouiller dans les Cadavres. L’Anatomie d un
.Infecte n’a rien de dégoûtant. On ne le manie qu’avec des
Aiguilles & des Pincettes. Submergés de vin de grain , ces
petits Animaux n’affligent guères 1 odorat, & Ion peut y travailler
par reprifes, prefque auffi longtems qu’on le trouve à
propos. Il n’en eft pas de même de l’Anatomie de l’homme,
& tant d’habiles gens y ont déjà travaillé, qu’il eft contre toute
apparence, que j ’euffe jamais pu aller au-delà de ce qu’ils
ont
ont fait. D ’ailleurs, pour avoir mérité quelque reproche, il faudrait
que cet Ouvrage m’eut fait négliger des devoirs plus ef-
fentiels, & c’eft ce que je ne crains point qu’on puiffe dire a-
vec fujet.
M a i s en quoi, de plus, un Infeéle eft-il donc un Objet fi
v i l ,. fi méprifable ? Si c’eft la grandeur qui fait le mérite des
Cliofes, nous fommes, par rapport à la Terre que nous habitons,
incomparablement moins que ce qu’eft une Mite par rapport à
nous y Et cette Terre même n’eft encore qu’un grain de pouf-
fière par rapport à un nombre prodigieux de Corps céleftes,
à l’égard defquels la différence qu’il y a entre nous & une Mite
s’évanouît. N on , ce qui fait le mérite d’un Ouvrage n’eft
pas la quantité de matière brute qui y entre ; c’eft la façon
dont elle a été mife en oeuvre, & le plus abjeét des êtres animés
eft fans comparaifon plus digne de nôtre admiration,
que les plus grands Rochers, & que tous les Sabks de la Ly-
bie. Ces lourdes Maffes , ces grands Amas, ne m’annoncent
que foiblement la Gloire du Dieu fort : Une Caufe aveugle auroit
pu les avoir raffemblés : Je n’y découvre bien fouvent ni
ordre, ni deffein. Dans le moindre des objets animés, plus
je l’examine , plus j ’y trouve d’arrangement & d’ intelligence.
Tout y concourt à un but marqué. C’eft une machine com-
pofée de diverfes fubftances, formées par des fucs différemment
préparés, cuits, diftilés, élabourés dans fon intérieur pour cet
effet; une machine, où tout eft en mouvement, qui fe transporte
d’un endroit à un autre ; qui veille à fa propre confer-
vation; qui-- fait trouver ce qui lui convient, éviter ce qui lui
nuit y