
Hulotte vit solitairement par les bois, par les. taillis des lieux
frais et humides, où elle trouve aisément des reptiles, des grenouilles
et des insectes pour vivre. C'est dans ces dernières localités
que les chiens la forcent souvent, en chassant la Bécasse,
à prendre le vol en plein jour. Elle cause ainsi des surprises aux
chasseurs qui, croyant voir lever une Bécasse, s’empressent de la
tirer. Cependant son vol, large et léger, qui n’est pas même,
à ses premiers élans, accompagné du battement d’aile bruyant de
cette dernière, devrait faire de suite reconnaître que c’est une
Hulotte ou toute autre Chouette qui vient de s’élever. On s’épargnerait
souvent par là de fusiller des oiseaux nocturnes que l’on
devrait, au contraire, protéger, au point de faciliter leur multiplication,
puisqu’ils sont du nombre des oiseaux destinés à purger
les champs, les jardins, les greniers, d’une infinité de petits
mammifères très nuisibles à l’agriculture, ainsi que nous le1
démontrerons à la fin de cet article.
La Hulotte vit d’insectes de divers genres, spécialement de
sauterelles et de grillons, de reptiles, de grenouilles, de poissons
et de leur frai, de rats, de musaraignes, de campagnols, de
taupes, de petits oiseaux et, très accessoirement, de cadavres
d’insectes et de faibles animaux. Lorsque la chasse de sa campagne
ne lui produit rien, elle vient dans les granges y chercher
des souris et des rats. Elle retourne au bois de grand matin, à
l’heure de la rentrée des lièvres, car, vigoureuse comme elle l’est,
elle ose attaquer les levrauts ; et lorsque le besoin l’y pousse,
elle remplit son estomac d’herbes, de mousse et de feuilles.
On ne peut être, dit M. Bailly, ni plus vorace, ni plus accommodante.
La Hulotte est remarquable par la sonorité et le plein de sa
voix; et, pour les imaginations faibles ou romanesques, elle ne
peut en imposer que par l’éclat et la solennité de son retentissement,
surtout s’il a lieu le soir ou la nuit. De tous les oiseaux
nocturnes, ses accents sont ceux qui se rapprochent le plus du
gosier humain. Le cri d’appel du mâle ressemble en effet à celui
d’un homme qui en hélerait un autre, à longs intervalles ; la
femelle y répond, en imitant le timbre assez bas d’une cloche
résonnant en trémolo, et nous avouerons notre faiblesse d’entendre
et d écouter avec plaisir cette sorte de conversation musicale.
Un seul cri, chez cette.Chouette, est désagréable : c’est
celui que le mâle et la femelle émettent en se rejoignant, et
qui reproduit le vagissement aigu d’un enfant, presque un miaulement.
La Hulotte s’apprivoise/sans difficulté et se montre d’une
douceur extrême. Elle n’a pas l’habitude, en domesticité, de
prendre, quand on l’approche, des poses ridicules, comme plusieurs
de. ses congénères. Au contraire de l’Effraye qui se laisse,
en captivité, quelquefois mourir de faim au milieu de l’abondance,
elle sait, par de petits cris plaintifs, réclamer sa nourriture dès
quelle lui manque, en voyant paraître la personne qui la lui
donne chaque jour; elle semble même, dit M. Bailly, vouloir
exciter la pitié en faisant subir un léger trémoussement à son
corps et à ses ailes.
JNous l’avons déjà dit, et nous le répéterons encore plus d’une
fois : les campagnards qui détruisent les oiseaux nocturnes comprennent
bien mal leurs intérêts.
M. Richardeau-Leroy, de Langlée, près Montargis, écrivait
en 1856, à l’appui de cette réflexion, qu’il avait trouvé, dans la
retraite d un couple de Hulottes, en l’espace d’une année, plus
de trente kilogrammes d os de rats, de souris, de taupes et de
mulots; çe qui prouverait incontestablement que ces oiseaux
sont les plus terribles ennemis des rongeurs qui ne vivent uniquement
qu aux dépens des récoltes. Un nid de Hulottes, dans une
maison de cultivateurs, vaut mieux, selon lui, que dix chats.
Nous ne pouvons dissimuler cependant, pour être complet,
que notre voisin de campagne, M. H. Fergon, que nous avons
déjà cité, nous déclarait encore l’année dernière que, malgré
nos éloges de la Hulotte, il avait trouvé, à plusieurs reprises, des
débris de jeunes lapins au pied d’une vieille souche occupée par
un nid de Hulottes, et que, à son grand regret, il était décidé à
en purger sa propriété en les tirant à la première rencontre.