
Il a fait nourrir longtemps un mâle et une femelle. On a remarqué
que, malgré que le premier fût beaucoup plus petit que
celle-ci, il était plus féroce et plus méchant. Ils étaient tous
deux très difficiles à priver; ils se battaient souvent, mais plus
des griffes que du bec, dont ils ne se servaient guère que pour
dépecer les oiseaux ou autres petits animaux, ou pour blesser
ou mordre ceux qui les voulaient saisir. Ils commençaient par se
défendre de la griffe, se renversant sur le dos en ouvrant le bec,
et cherchaient plus à déchirer avec les serres qu’à mordre avec
le bec. Jamais on ne s’est aperçu que ces oiseaux , quoique seuls
dans la même volière, aient pris de l’affection l’un pour l’autre;
ils y avaient cependant passé la saison entière de l’été, depuis le
commencement de mai jusqu’à la fin de novembre, où la femelle,
dans un accès de fureur, tua le mâle dans le silence de la nuit, à
neuf ou dix heures du soir, tandis que tous les autres oiseaux
dormaient.
Leur naturel est, du reste, si sanguinaire que, lorsqu’on
laisse un Autour en liberté avec plusieurs Faucons, il les égorge
tous les uns après les-autres.
Meyer, longtemps après, avait raison d’assurer que l’Autour
fait sa proie'de jeunes oiseaux de son espèce. M. Alléon nous en
fournit des exemples :
«Les Autours, se demande-t-il en 1869, ont-ilsplusde courage
que les Aigles ou leurs petits? Du reste, plus nombreux, supportent
ils plus difficilement la faim que les Aiglons? L’excessive
Voracité des jeunes Autours nous fait incliner vers cette dernière
hypothèse.
» Nous avons placé quatorze poussins d’Autour, encore en
duvet, dans une volière où la nourriture ne leur a jamais fait
défaut, et nous avons trouvé en eux les plus sanguinaires des
oiseaux de proie que nous ayons eu occasion d’étudier. Ils ont
d’abord tué et mangé promptement deuxpoüssins d’une Buse des
déserts. Dès les premiers jours, ils se sont déchirés les uns les
autres, et les survivants ont enterré les morts dans leur estomac,
sans même nous en laisser les débris. Quant au dernier des quatorze,
il nous a fallu panser ses blessures jusqu’à l’époque où ses
dernières plumes ont atteint leur crue.&*.g
Avec ces instincts, cet oiseau de basse valeur est très bon chasseur.
En fauconnerie, on lui donne le nom de cuisinier, soit
parce qu’il profite à la cuisine, soit parce qu’on le garde généralement
à la cuisine, dont il mange les déchets, et où il voit continuellement
du monde. Sa docilité le rend d’un affaitage très facile ;
il est employé avec succès pour le vol de la Perdrix, du Faisan et
pour le vol des oiseaux de-rivière. Méchant, comme on vient de
le voir, pour les autres oiseaux de vol, il convient de l’en tenir
éloigné, si l’on veut éviter des combats le plus souvent meurtriers;.
L'autourserie, dans laquelle l’ancienne fauconnerie comprenait
l’Autour et l’Épervier, a repris, il y a quelques années, un nouvel
essor en Europe, notamment en France et en Angleterre. Tel a
même été l’engouement de cette chasse, que les sujets ont fini par
devenir rares.