
et des doigts généralement courts et, le plus souvent, emplumés
jusqu’aux ongles, qui sont rétractiles et acérés, et dont le doigt
extérieur est tellement mobile qu’ils peuvent à volonté le retourner,
soit horizontalement, c’est-à-dire à angle droit avec les
autres, ce qui leur donne plus de force pour empoigner leur
proie et plus de fermeté et de facilité pour se tenir perchés s'ur
ün seul pied ; enfin, par un plumage épais, abondant, soyeux et
comme soufflé, augmentant par sa masse apparente l’aspect du
volume du corps, et de la tête, qui est aussi plus développée et
plus grosse que chez les Accipitres diurnes.
Prédestinés, par leur régime, à modérer la trop grande multiplication
des gros et des petits mammifères rongeurs ou fouisseurs
, qui ne sortent de leur retraite qu’au crépuscule et à la
nuit pour causer les rayages dont se plaignent si justement nos
laboureurs, la nature a doté ces oiseaux de toutes les facultés
qui pouvaient favoriser- cette chasse nocturne, ou plutôt crépusculaire.
D’abord, d’une sensibilité de vue si grande, ainsi que l’a
remarqué Buffon, « qu’ils paraissent être éblouis par la clarté
du jour et entièrement offusqués par les rayons du soleil, il leur
faut une lumière plus douce, telle que celle de l’aurore naissante
ou du .crépuscule tombant. » Aussi ont-ils encore la faculté de
contracter et de dilater leurs pupilles, suivant le besoin, et de
modérer ainsi l’action d’une lumière trop vive ; ce qui leur a
valu l’adjonction d’une membrane supplémentaire, manquant
auxoiseaux de jour, appelée nyctitante.
Ensuite, d’une ouïe d’une finesse extrême. « Il paraît, dit l’éloquent
naturalistè, qu’ils ont ce sens supérieur à tous les autres
oiseaux, peut-être même à tous les. animaux, car ils ont, toute
proportion gardée, les conques des oreilles bien plus grandes
qu’aucun d’eux ; il y a aussi plus d’appareil et de mouvement
dans cet organe, qu’ils sont maîtres de fermer et d’ouvrir à
volonté, ce qui n’est donné à aucun animal. »
Enfin, d’un.système de ptilose tout particulier, qui permet à
l’air, dans l’élan de l’oiseau, de laisser filer -son corps sans aucun
déplacement sensible de la colonne d’air qu’il traverse, et par
conséquent sans bruit appréciable : au moyen, premièrement,
du peu d’adhérence dès plumes de recouvrement ; secondement,
et surtout, des rémiges ou pennes claires présentant cette conformation
que, du côté extérieur, les barbes, au lieu d’être couchées
à plat les unes sur les autres, se. séparent vers le milieu de
leur longueur, se frisent à leur extrémité et sont rebroussées et
hérissées en forme de scie, ce qui en rompt l’adhérence si
nécessaire au vol, chez les oiseaux grands voiliers par exemple,
et facilite le passage de l’air au travers de l’espace qué ces barbes
détachées et isolées laissent entre elles. Ces ailes, si bien.décrites
par Isid. Geoffroy Saint-Hilaire, qui frappent l’air très lentement,
n’y causent absolument aucun bruit, et les pauvres oiseaux,
que la Chouette a aperçus endormis sur les branches, ne se
réveillent que dans les serres de leur cauteleux ennemi.
Lès Accipitres nocturnes sont ordinairement invisibles , car
les espèces mêmes qui chassent de jour savent parfaitement
échapper aux regards. Immobiles pendant le jour, dit M. de
Tschudi, dans les forêts, les ruines et les rochers, ils ne se mettent
en chasse qu’au crépuscule ou au clair de-lune, et rapportent
d’ordinaire leur proie à l’endroit où ils ont élu domicile.
Pendant le silence de la nuit, leur cri, qui inspire l’effroi, résonne
au loin du milieu des rochers et des forêts. Souvent, en parcourant
les bois, on remarque quelqu’un de ces oiseaux qui, près du
tronc et les yeux étincelants, reste immobile sur sa branche
comme s’il y était attaché. Il laisse approcher le chasseur et ne
s’envole dansle fourré qu’à regret et comme forcé. Leur plumage
léger, mol et élastique, est assez chaud pour qu’ils puissent
résister aux frimas de l’hiver sans changer de climat. Le mouvement
de leurs ailes est trop lent pour qu’ils puissent saisir au
vol de petits animaux. C’est pourquoi ils n’attrapent que des reptiles,
des souris ou des animaux endormis; quand ils sont
affamés, plusieurs d’entre eux chassent aussi, lé jour. Quelques-
uns accumulent des provisions pour les temps de disette, et en
captivité, lorsqu’ils sont rassasiés, ils savent envelopper dans la