
76 HISTOIRE NATURELLE
et de mousse, et revêtu dans l'intérieur seulement d'un lit de feuilles sechès;
les oeufs sont à-peu-près de la grosseur de ceux de nos pigeons fuyards, et
leur couleur est verdàlre pointillée de roux. On reconnoît dans notre rollier
à longs brins d'Afrique le port, le vol et les attitudes du geai européen; il
a même jusqu'au cri, qui a valu à ce dernier le nom qu'il porte, pareequ'en
effet il le prononce d'une maniéré très distincte. Cet oiseau est d'un naturel
très curieux ; on le voit arriver au moindre bruit extraordinaire, mais il
fuit dès qu'il se sent averti du plus petit danger; caractère moral qu'il a de
commun, non seulement avec notre geai d'Europe, mais avec tous les geais
et tous les rolliers, selon du moins que je l'ai constamment observé dans
toutes les especes que j'ai vues de ces oiseaux , et qui ont toutes aussi un cri
semblable à celui de geai, geai. Il n'est enfin personne qui, connoissant bien
les allures de notre geai, ne dise en voyant ou en entendant un rollier, voilà
un geai; et il m'est arrivé à moi-même de m'y méprendre au point qu'en en
jugeant par les rolliers que j'avois vus ou entendus en Afrique, avant d'en avoir
tué aucun, j'étois dans la ferme persuasion que notre geai d'Europe se trouvoit
aussi dans cette autre partie du monde; cela me paroissoit d'autant
moins extraordinaire que j'y avois déjà trouvé alors notre coucou, ainsi que
plusieurs especes de nos pie-grieches, et de nos chouettes.
Le rollier à longs brins d'Afrique a la mandibule supérieure arrondie sur
toutes ses faces, un peu arquée, et terminée en un petit crochet très délié;
celle mandibule avance un peu dans les plumes du front, et les divise en
deux parties, qui se portent jusqu'aux narines, qu'elles cachent même entièrement.
La mandibule inférieure, aplatie sur les côtés, s'arrondit un
peu vers sa pointe mousse et légèrement courbée. Les tarses sont courts,
forts, et coupés en écailles dans toute leur longueur, et les doigts entièrement
séparés jusqu'à leur racine. Les ailes ployées s'étendent jusqu'aux
deux tiers de la longueur de la cpieue. Les pennes latérales de celle-ci se
prolongent en deux longs brins déliés, qui se portent beaucoup au-delà des
autres pennes toutes égales entre elles, et qui forment un caractère particulier
: ces brins sont plus ou moins longs suivant l'âge de l'oiseau; dans les
vieux ils acquièrent une longueur de plus du double de celle des autres
plumes de la queue ; il est aussi à remarquer qu'ils sont d'autant plus déliés
qu'ils sont plus longs, c'est-à-dire que leur longueur se fait aux dépens de
leur largeur. Nous allons maintenant décrire les couleurs de ce bel oiseau :
Les plumes du front et de la gorge sont d'un blanc laiteux, ainsi que
celles qui bordent les côtés de la base des mandibules; le dessus de la tête,
le derriere, les côtés, et le devant du cou, sont d'un beau verd bleuâtre
luisant, imitant la teinte du vei d-de-gris ; mais les plumes du devant du
cou sont toutes marquées d'un trait verd clair, qui sous certain jour prend
un ton blanchâtre : tout le reste du dessous du corps, y compris les plumes
des jambes, les couvertures du dessous de la queue, et toutes celles du
revers des ailes, sont du même ton verd du cou, quoique d'une teinte un
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peu plus foible. Le haut du dos, les scapulaires, et les deux dernieres
plumes des ailes du côté du dos, sont d'un roux nué de verd. Les plumes
du croupion et les couvertures du dessus de la queue , sont d'un bleu vif,
qui est aussi la couleur de toutes les couvertures du poignet des ailes: les
moyennes et grandes couvertures de celles-ci sont du verd du dessous du
corps : telle est aussi la couleur des pennes des ailes à leur naissance, tandis
qu'elles ont leur autre extrémité d'un beau bleu vif ; de sorte que le dessus
de l'aile est partagé en trois larges bandes transversales, dont le verd occupe
le milieu, et le bleu les deux extrémités ; tandis qu'au revers elle est seulement
bleue au bout, et verte en haut. Nous ajouterons que la pointe des
pennes alaires est noire, et qu'on remarque dans les barbes extérieures
des premières vers cet endroit un liséré verdâtre. La queue, qui est composée
de douze plumes, est bleue et verte, le bleu occupant le centre,
et le verd les extrémités; mais les deux filets sont d'un bleu extrêmement
foncé, et les deux pennes du milieu d'un verd olivâtre, imprégné d'une
teinte brunâtre. Le bec et les ongles sont d'un noir de corne, et les pieds
d'un brun roux, ainsi que les yeux.
La description que nous venons de faire de l'espece du rollier à longs
brins d'Afrique est celle du mâle, que nous donnons aussi représenté sur
nos planches de grandeur naturelle, d'après un individu qui fait partie de
mes collections, et que j'ai apporté d'Afrique. La femelle est un peu plus
petite que le mâle , et les couleurs sont absolument les mêmes dans les
deux sexes: nous observerons seulement qu'elles ont une teinte moins vive
chez la femelle, qui différeroil par conséquent peu du mâle, si on ne distinguoit
d'abord celui-ci à la longueur des brins des plumes de sa queue;
car, dans la femelle, ces brins ne dépassent pas les autres pennes de plus
de trois pouces, tandis que ceux du mâle se prolongent quelquefois à plus
de six pouces au-delà.
Dans le premier âge le front, la gorge, la poitrine, et les flancs, sont
roussâtres: le bleu des ailes et du croupion y est mêlé de beaucoup de verd
nuancé en général d'une forte teinte roussàtre. Dans cet état les plumes
latérales de la queue se portent déjà chez le mâle à un pouce au-delà de
celle ci , tandis que chez la femelle on n'apperçoit encore aucun prolongement
de ces brins.
Nous n'avons pas cru nécessaire de donner la figure du rollier à longs
brins d'Afrique dans son jeune âge , pareeque dans cet état il ressemble
un peu à la femelle du rollier d'Europe, que nous avons beaucoup de
raisons de considérer tout au moins comme une seconde race de la même
espece. Nous renvoyons au surplus le lecteur à l'article du rollier vulgaire,
où nous établissons les différences respectives ; ce qui le mettra à même
de juger de la diversité ou de l'identité d'espece de ces oiseaux.