
7a HISTOIRE NATURELLE
genres supposés, et que de cette sorte il seroit facile à un méthodiste
scrupuleux d'établir autant de genres qu il y a despeces
de geais et de rolliers, ou même d oiseaux généralement
quelconques; car si Ion vouloit à la rigueur exiger pour 1 admission
dune espece, dans un genre, quelle réunît tous les
caractères assignés à ce genre, je doute qu il se trouvât deux
oiseaux qui appartinssent à un même genre; cest que la nature
a diversifié les formes dans les especes mêmes de chaque
genre, afin que les facultés de chacune d elles répondissent
aux fonctions auxquelles elle étoit destinée. Il suffit, pour se
convaincre de cette grande vérité, de comparer la nature à la
nature; par-tout on y verra que les caractères qui constituent
les facultés sont modifiées de maniéré qu'elles conviennent
toujours aux fonctions particulières de chaque espece. Penset
on, par exemple, que dans la grande tribu des oiseaux insectivores,
destinés par la nature à maintenir par la destruction
un équilibre nécessaire; pense-t-on, dis-je, que tous ces
oiseaux vivent indistinctement de toutes sortes d insectes? non
assurément; certaine espece de ces derniers est condamnée
à devenir la proie de tel insectivore, et telle autre celle de
tel autre exclusivement: doù il résulte que pour 1 exécution
de ses desseins la nature a dû diversifier les facultés destructives
de 1 un, et les proportionner aux moyens de défense de
1 autre. Ainsi telles especes de gobe-mouches ayant été destinées
à prendre les insectes au vol, on les reconnoit d abord
à leur large bec aplati, muni de longs poils roides, et formant
de chaque côté de la bouche un réseau qui empêche les mouches
de s'échapper une fois qu elles sont engagées dans l'ouverture
du bec, tandis que celles qui vont chercher les insectes
dans leur cachette, manquent totalement de ces longs poils,
DES ROLLIERS. ?3
qui, d une nécessité absolue aux premieres, nuiroient infailliblement
à celles-ci, puisque souvent ces poils débordent la
pointe du bec dans les gobe-mouches proprement dits (i).
Voyons les drongos, qui, quoique confondus par nos savants,
tantôt avec les pie-grieches, tantôt avec les corbeaux, d'autres
fois avec les merles, n'en appartiennent pas moins à la tribu
des gobe-mouches ; la nature qui les destina à la destruction
des abeilles, leur donna en même temps un large bec, pour
qu ils pussent les happer au vol; mais ce bec est en outre épais
et fort, proportionne enfin aux moyens de défense de ces industrieux
insectes (2).
Si des oiseaux insectivores nous passons aux oiseaux purement
frugivores ou granivores, nous remarquerons que ceux
qui se nourrissent de fruits mous ou de graines tendres, ont le
bec loible, tandis que ceux qui sont obligés d'en entamer de
plus solides, ont aussi le bec plus robuste. Il est donc essentiel
d étudierles moeurs et debien connoitre les fonctions decbaque
espece, pour ne pas se méprendre sur la place qu'elle occupe
dans 1 ordre de la nature. C'est par le défaut de ces connoissances
que 1 histoire naturelle des animaux, des oiseaux sur
tout, 11 est encore qu'un chaos livré à des vues arbitraires, et
changeantes à mesure qu'il se présente des objets nouveaux
à ranger parmi ceux déjà connus. La masse, l'ensemble des
faits pourront seuls un jour servir de base à une bonne histoire
naturelle. Nos pédants à systèmes ont beau se récrier
contre ces faits qu'ils redoutent, parcequ'il n'en a souvent
fallu (jii un seul pour détruire tout l'étalage de leurs pompeuses
théories; on y reviendra toujours, et toutes les fausses spécu-
(1} Voyez l'histoire des gobe-mouches, Histoire des oiseaux d'Afrique, tome III.
(2) Voyez l'histoire des drongos, ibid. tome IV