
 
        
         
		4 2  HISTOIRE  NATURELLE  
 autre ebose enfin, il n'en sera pas moins un oiseau qui porte tle chaque côté  
 de la tête trois filets, d'où Buffon a tiré le nom de sifilet qu'il lui  donne;  
 nom qui le caractérise parfaitement, et que nous lui conservons par cette  
 raison, en le réintégrant toutefois parmi les oiseaux dont il approche le plus,  
 et parmi lesquels le placeroit sans doute aussi l'histoire de ses moeurs et de  
 sa maniéré de vivre, si elles étoient mieux connues. Nous  allons, en attendant, 
  faire connoître cette intéressante espece d'une maniéré plus vraie  
 qu'on ne l'a fait encore, telle, en un mot, qu'elle est dans l'état de nature;  
 état bien différent de celui qu'on lui a prêté dans les mauvaises descriptions  
 qu'on en a faites.  
 Ce qui d'abord frappe le plus en considérant cet oiseau, ce sont ses six  
 filets  nus, de la grosseur d'un  crin, et terminés chacun par une large  
 palette de barbes épanouies et de la nature de celles de ses autres plumes  
 veloutées: ces filets, distribués en nombre égal de chaque côté de la tête  
 précisément derriere les yeux , s'étendent à six pouces au-delà, et font un  
 effet des plus singuliers, en ce qu'à une certaine distance ils échappent à la  
 vue, et qu'on prendroit alors leurs six palettes  pour autant de grosses  
 mouches volantes autour de  l'oiseau; ces filets ont leur pied garni d'un  
 grand nombre d'autres petits filets, longs de huit à dix lignes, et qui tous  
 divergent par-derriere en débordant la tète : ceux-ci tiennent lieu de ces  
 plumes transparentes qui garnissent les oreilles de tous les autres oiseaux,  
 et que la nature a eu soin de ne garnir que de barbes lisses et séparées afin  
 de ne point intercepter le son. Il n'est même pas douteux que cet oiseau  
 n'entende beaucoup mieux que la plupart des autres; car tous ces filets,  
 grands ou petits, aboutissant chez lui aux trous auditifs, les palettes distribuées  
 au loin doivent d'abord arrêter les sons, ceux-ci se glisser le long  
 de leurs tiges, et arriver aux nombreux petits filets, qui tous touchent à  
 l'oreille comme autant de conducteurs plus rapprochés du centre de l'ouie.  
 Un attribut fort remarquable  encore, c'est que les flancs de notre oiseau  
 sont revêtus d'un nombre considérable de longues plumes transparentes,  
 largement barbées, et  qui, s'étendant jusqu'à moitié de la  queue, en  
 cachent tout le corps et une grande partie des pieds. Nous avons figuré une  
 de ces plumes subalaires, lettre C de notre planche n° 11 : leur nombre est  
 au moins de deux cents sur chaque côté; ce qui fait paroître l'oiseau beaucoup  
 plus gros qu'il n'est en effet, car il n'est réellement pas plus fort de  
 corps ni plus charnu que notre tourterelle commune de France. La queue,  
 qui a quatre pouces et demi de  longueur, est étagée; mais  comme cet  
 étagement n'est pas très  fort, elle prend,  déployée, une forme  arrondie:  
 elle est composée de douze  plumes, qui à  l'oeil, et même au  toucher,  
 semblent en-dessus être de velours, tandis qu'en-dessous elles sont lisses et  
 glacées. En examinant avec la loupe la contexture de ces plumes-velours,  
 nous avons trouvé que dans le fait elles étoient composées de fort petites  
 barbilles très serrées, et perpendiculairement implantées sur les grandes  
 DES  OISEAUX  DE  PARADIS. 43  
 barbes : il seroit donc vrai que les inventeurs de nos étoffes de velours n'auroient  
 encore fait ici qu'imiter la nature. Eh ! que sont-elles autre chose  
 toutes nos belles inventions que de foibles  copies, dont nous trouvons  
 chaque  jour les originaux sortis des mains du grand maître qui a tout  
 inventé?  
 Ainsi que le geai et le rollier (oiseaux  qui, quoi qu'en pensent les ornithologistes, 
  appartiennent à un même genre), le sifilet a la tête grosse et  
 largement emplumée : les plumes des côtés du front, dont une partie avance  
 sur les narines, qu'elles cachent, tandis que les autres se dirigent en haut,  
 sont noires jusqu'aux yeux, sur les côtés ainsi que sur le bord du front; en  
 dessus elles sont d'un blanc absolument semblable à celui de l'argent mat,  
 et y présentent une plaque triangulaire, dont la pointe aboutit au-dessus  
 des narines, et la large base aux yeux : les plumes qui forment celle plaque  
 sont très effilées, en grand nombre, noires à leur racine, et n'ont de blanc  
 que sur la partie supérieure et visible de leur extrémité  (voy. la lettre D ,  
 pl. 11, où nous avons figuré une de ces plumes vue à la loupe). Le reste du  
 dessus de la tète est couvert de plumes d'un noir velouté et à reflet pourpre:  
 à celles-ci en succedenl de plus longues, roides, plates, formées en massue,  
 et  qui, se dirigeant sur le derriere et débordant  l'occiput, imitent parfaitement  
 ces toupets hérissés dits à la  grecque, que portoient jadis nos  
 élégants Midas. Les plus apparentes de ces dernieres plumes sont noires à  
 leur racine, et terminées par une bande d'un verd glacé des plus brillants;  
 d'autres ont le luisant de l'acier poli (voy. la lettre E, pl. 11). Ce sont ces  
 plumes-là qui, redressées, présentent une huppe particulière terminée par  
 un diadème éclatant, et non celles argentées du  front, ainsi que Buffon  
 l'a avancé d'après un individu mutilé, que Sonnerat avoit apporté, et qu'on  
 peut encore voir au cabinet d'histoire naturelle à Paris, modelé imparfait  
 des figures grotesques et des descriptions tronquées qu'ont publiées du  
 sifilet les deux auteurs que je viens de citer, et que tant d'autres ont froidement  
 copiées sans examen et sans connoissanees. Indépendamment de ce  
 riche diadème, on voit sur le bas du cou de ce magnifique oiseau, et non  
 sur sa gorge, un large plastron briller des plus belles couleurs; tantôt c'est  
 l'or pur prenant des tons verd , ou bleu, suivant que le jour frappe plus ou  
 moins directement: dans telle ou telle autre position c'est le bleu de l'acier  
 poli, le verd de l'émeraude, le jaune de la topaze du Brésil, ou le violet de  
 l'améthyste : chaque point de vue enfin amene un autre  ton, une autre  
 couleur; et même on les y voit par fois briller toutes ensemble. Les plumes  
 de cette partie sont arrondies en écailles et parfaitement imbriquées les  
 unes sur les autres: elles sont noires à leur racine, et ce noir s'avançant en  
 pointe vers le bout richement coloré de chacune d'elles, on l'apperçoit pour  
 peu que ces plumes s'écartent; ces taches noires donnent alors un jeu  
 nouveau au plastron en même temps qu'elles en rehaussent l'éclat. Nous  
 avons figuré une des plus grandes plumes du bas de ce plastron, lettre F,