
à leur trouver. 11 n'étoit certes pas besoin d avoir vu ces
oiseaux dans leur état de nature pour se convaincre que tous
ces caractères n'étoient qu'apparents, et ne devoient être attribués
qu'à la mauvaise préparation de leurs dépouilles. Or je
demande si ceux qui ont assigné tous ces faux caractères aux
oiseaux de paradis, n'ayant point observé qu ils étoient artificiels
et simplement occasionnés par un racornissement forcé
de leurs peaux, peuvent raisonnablement s être élevés contre
ceux qui, les voyant sans pieds, nous ont assuré que la nature
ne leur en avoit point donné.
Cette mauvaise préparation a occasionné beaucoup d autres
erreurs, en faisant publier sous le nom d oiseaux de paradis
plusieurs especes totalement différentes , les nomenclateurs
ayant fait de tous les oiseaux mutilés de la même maniéré
autant d oiseaux de paradis; de sorte que des martins-pécheurs,
des guêpiers, des rolliers, des gobes-mouches, et même des
perruches, et beaucoup d autres especes qui nont pas le
moindre rapport avec ces oiseaux, figurent cependant sous
le même nom dans plusieurs ouvrages, et sont rapportés
comme tels dans toutes les nouvelles ornithologies qui se
publient chaque jour (i). Cest ainsi que les erreurs se renouvelant
sans cesse se perpétuent et donnent heu à d autres
erreurs plus funestes encore, et que nos connoissances sur
l'histoire naturelle des oiseaux, lom d avoir fait quelques
progrès, sont non seulement restées au même point, mais
que, se trouvant surchargées de toutes les erreurs modernes,
elles tiennent aujourd'hui les naturalistes dans une perpétuelle
incertitude sur un grand nombre d'oiseaux mal dénommés,
(i) Voyez Seba et plusieurs autres ouvrages, où un graml nombre d'oiseaux se
trouvent figurés dans les formes que les sauvages leur ont données en les mutilant,
et qui tous sont présentés eomme autant d'oiseaux de paradis.
et si imparfaitement décrits, qu'ils ne savent à quelle espece
les rapporter, ni dans quel genre les placer.
Buffon lui-même a prétendu que les sauvages et les marchands
indiens, dans le dessein de nous tromper, mutiloient
exprès tous les oiseaux, afin de les faire passer pour des
oiseaux de paradis, et nous les vendre plus chèrement: assertion
dénuée de tout fondement; car il étoit impossible à ces
peuples d imaginer que nous attachassions plus de prix à des
oiseaux de paradis sans pieds et sans ailes, qu'à tous autres
oiseaux dun joli plumage qui auroient eu ces parties, et ne
se seroient pas nommés ainsi ; il est même plus que probable
qu ils ignoroient non seulement le nom que nous leur donnions
chez nous, mais même lidée que nous attachions à ce
nom superstitieux, qui seul a suffi pour occasionner toutes
les fables dont on nous a bercés. Il est bien plus naturel de
croire que ces insulaires n ayant pas d autre moyen de préparer
les oiseaux, et ne s en servant d ailleurs que pour faire
des ornements, ils leur arrachoient tout uniment les pieds et
les ailes à tous indistinctement, ce que nous ferions dans le
même cas. Au moins est-il certain que les premiers Européens
qui pénétrèrent dans les pays qu habitent les oiseaux
de paradis trouvèrent ces oiseaux tout préparés pour l'usage
des naturels, et quon nous les apporta sous les mêmes formes
: il est encore vrai qu'aussitôt qu on eut appris à ceux-ci
que nous les préférions entiers, ils leur laissèrent les pieds
et les ailes ; de sorte qu aujourd hui on nous les envoie avec
ces parties , mais malheureusement toujours desséchés au
four ou dans le sable chaud; de maniéré qu'il est impossible,
quoique entiers, de leur rendre leurs premières formes, attendu
que la peau étant cuite, et par conséquent racornie,
on ne sauroit la faire prêter, même en 1 humectant, comme