
52 HISTOIRE NATURELLE
plus grande inexactitude, à en juger par celles des espeees qu'il décrit, et
sur lesquelles il ne nous reste aucun doute, les connoissant parfaitement
par nous-mêmes.
Le mieux est donc, à l'égard du nébuleux, d'attendre des renseignements
sur lesquels on puisse compter davantage: au surplus nous rapportons ici
ces notices de Valentin, tirées du Voyage de Forrest, afin de mettre le
lecteur à même de juger si nos doutes sont fondés, et de rapporter à celle
qu'il voudra des deux descriptions de cet auteur l'espece qui fait le sujet de
cet article, et à laquelle l'une et l'autre conviennent également; ce qui me
feroit croire qu'ici comme là ce n'est toujours que la même espece dont il
s'agit, les différences qu'on seroit d'abord tenté de mettre entre les deux
descriptions que nous allons transcrire n'étant que de détail.
PREMIERE NOTICE. « L'oiseau de paradis blanc est le plus rare : il y en a
« de deux espeees; l'un entièrement blanc, et l'autre blanc et noir. On en
a voit très peu d'absolument blancs, et ils ressemblent par la forme à l'oiseau
a de paradis des isles des Papous, ou à celui de la seconde classe : les blancs
«et noirs ont le devant noir et la partie de derriere blanche, et douze
« filets en spirale presque nus, et couverts de barbes seulement en quel-
« ques endroits Cette espece est très rare; on ne l'achete que des insulaires
« de Tidor: elle se trouve sur les isles des Papous, sur-tout à IKaygchoo,
« appelée aussi IVadjoo ou IVardejoo. D'autres pensent qu'on le tire de
« Serghile, sur la nouvelle Guinée-a. Page 109, n° 5, Voyage de Forrest.
DEUXIEME NOTICE, a En 1689 on vit à Amboyne une nouvelle espece
« d'oiseau de paradis noir, qui venoit de Messowal: elle n'avoit qu'un pied
« de long, une belle couleur de pourpre, une petite tête, et un bec droit;
« comme les autres oiseaux de paradis elle a sur le dos, près des ailes, des
«plumes pourpres et bleues; mais au-dessous des ailes, et sur-tout du
« ventre, elle est jaune comme l'oiseau de paradis ordinaire ; au-dessus du
« cou elle est couleur de souris, entre-mêlée de verd. Cette espece estremar-
« quable en ce qu'elle a devant les ailes deux touffes arrondies de plumes,
® dont la bordure est verte, et que l'oiseau remue à sa volonté comme des
« ailes. Au lieu de queue elle a douze a treize filets noirs et sans barbes,
« qui pendent les uns à côté des autres: ses pieds, forts, sont armés d'ongles
« aigus, et la tête est d'une petitesse extrême; les yeux sont petits aussi et
« environnés de noir ». Page 160, n° 6, idem.
Notre oiseau a le bec droit, et deux touffes de plumes arrondies et à
bordures vertes au-devant des ailes: il a aussi des filets, mais non pas ail
lieu de queue; car il en a une, quoique très courte et entièrement cacbée
par les filets et les longues plumes du croupion qui se rabattent sur elle et
l'enveloppent; ce qui aura sans doute empêché de la voir ceux sur-tout
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qui n'y regardent pas de très près. Il pourroit bien se faire aussi que les
sauvages qui préparent ces oiseaux l'eussent arrachée dans l'individu qu'a
vu Valentin, comme ils leur arrachent les pieds et les ailes, toutes parties
qui ne sont pas plus inutiles dans un panache qu'une petite queue, qui n'y
ajouteroil rien d'agréable et de parant. Quant à la tète, d'une petitesse
extrême, ceci, comme on l'a vu dans beaucoup d'autres cas, dépend encore
de la maniéré dont les oiseaux sont en général préparés dans le pays.
Quoi qu'il en soit, nous allons décrire cette espece d'après un fort bel individu,
le seul que je connoisse, et qu'on trouve dans le beau cabinet de mon
ami M. Raye de Breukelerwaert, à Amsterdam.
Le nébuleux est à-peu-près de la taille de notre merle vulgaire de France:
son bec est très droit et long de deux pouces; la mandibule supérieure en
est coupée de biais, et l'inférieure tant soit peu relevée vers la pointe, de
sorte qu'elles s'y adaptent parfaitement bien l'une à l'autre. Du reste elles
sont solides toutes deux, c'est-à-dire non creuses, si ce n'est vers la bouche
de l'oiseau, dont la langue doit être par conséquent très courte, et collée au
fond du gosier. Comme ces derniers caractères sont les mêmes chez les
promerops, il ne peut pas y avoir de doute que notre oiseau ne soit purement
insectivore, lorsqu'encore ses pieds robustes, armés d'ongles forts
et crochus, annoncent qu'il s'accroche au tronc des arbres pour chercher
sous leur écorcc les insectes qui s'y réfugient. D'après tout cela on seroit
même fondé à soupçonner, et nous soupçonnons en effet qu'il ne soit autre
chose qu'un promerops: je sais bien que nos méthodistes s'écrieront que
les promerops ont le bec arqué, tandis que celui-ci l'a droit; mais nous
avons tant de fois, et d'après des exemples tirés de la nature elle-même,
montré combien ces naturalistes à systèmes s'étoient égarés dans leurs
conséquences, que nous nous contenterons d'ajouter ici en faveur de nos
soupçons sur le genre de cet oiseau, que nous avons de fortes raisons pour
croire qu'ils se changeront en*certitude lorsqu'on en connoîtra mieux les
habitudes, les moeurs, etc. Ses plumes de luxe consistent d'abord dans
celles, au nombre de vingt, qui, prenant naissance au bas du cou de chaque
côté, précisément là oii s'applique le haut des ailes lorsqu'elles sont
ployées, composent deux touffes, dont la forme est exactement celle d'un
éventail; ensuite en un grand nombre de longues plumes à barbes séparées,
qui naissent sur le dos et s'étendent au-delà de la queue : les plus hautes
de ces dernieres plumes sont sans filets; mais celles implantées plus bas,
et qui d'ailleurs ressemblent aux premieres, se terminent toutes par de longs
fdels nus, contournés en arc, et qui se portent bien au-delà de la queue.
Toutes ces plumes du dos ont de fortes tiges qui traversent la peau; ce qui
prouve que l'oiseau peut à son gré les relever et les étaler. La queue, qui
est très courte et que les ailes ployées couvrent entièrement, porte douze
plumes égales.
Quant aux couleurs, les plumes de la tête, du cou, de la poitrine, des
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