H I S T O I R E NATURELLE
plus brillante, et font une réputation de sciences bien plus élevée; elles
ouvrent aussi à la gloire un chemin plus facile , et menent enfin à la
fortune, que ne dédaignent pas toujours certains savants. Plus modestes
dans nos prétentions, nous n'envions pas une si haute destinée: nous
ferions cependant aussi une méthode telle quelle; mais, comme nous
pensons que pour ne pas faire un assemblage monstrueux de parties
incohérentes, il est avant tout utile, absolument nécessaire même de bien
connoitre les différentes parties qui doivent composer un tout, nous finirons
peut-être par où tant d'autres ont commencé.
Nos descriptions et les figures que nous publierons des oiseaux de
paradis seront d'autant plus préférables à toutes celles qu'on en a données
jusqu'à ce jour, qu'elles ont été faites du moins sur des individus parfaits,
et non mutilés par les sauvages ; car il en est des oiseaux de paradis
dont il nous reste à parler comme de ceux que nous avons déjà fait
connoitre, c'est-à-dire que nous les recevions autrefois tout préparés d'une
même maniéré, et desséchés au four: aussi les naturalistes n'ont-ils pas
manqué de leur donner à tous pour caractères génériques une très petite
tête, et des yeux à peine visibles ; ce qui, comme on l'a vu et comme on
le verra encore, est loin de la vérité; car on eut trouvé les mêmes caractères
à tous oiseaux quelconques préparés de cette maniéré : nous en
avons même déjà dit les raisons quelque part.
Le manucode n'a donc de commun avec les grandes especes d'oiseaux de
paradis dont nous avons déjà parlé que les deux filets de la queue; encore
en differe-l-il sous ce rapport en ce que les deux filets n'ont ici de barbes qu'à
leurs pointes du côté intérieur de la tige seulement , et que chacun de ces
bouts se contournant sur lui-même forme une papillote qui laisse un petit
vuide dans son intérieur. Ces deux filets, dont un est représenté à part
et déroulé, fig. A, planche 11, se trouvent implantés sur le milieu de
la queue, et se croisent d'abord, celui de droite s'étendant à gauche, et
celui de gauche à droite, en se courbant un peu l'un vers l'autre : ils
sont absolument nuds, si l'on excepte leur petite boucle, et quelques
barbes qui les garnissent à leur naissance; leur longueur est de six pouces.
Un autre caractère très saillant dans cette petite espece, c'est qu'elle a
de chaque côté de la poitrine, directement au-dessous du poignet de
l'aile, un petit faisceau composé d'une vingtaine de plumes , dont sept
plus apparentes sont aussi plus grandes et plus largement barbées: dans
l'état de repos elles s'appliquent toutes les unes sur les autres, se serrent
sur les flancs; mais, dans l'action , loiseau a la faculté de les relever et
de les déployer en éventail pour s'en parer, ce qui lui fait alors des
especes de nageoires. Ces plumes différent absolument des subalaires des
premières especes que nous avons déjà fait connoitre, car elles sont non
seulement beaucoup plus courtes, mais d'une forme différente, et bien
moins nombreuses : six à sept plus petites plumes effilées garnissent sur
le haut de la poitrine le pied de ces premières plumes de parure , et
semblent faites pour en cacher les tiges ; on en remarque aussi de semblables
au pied de la derniere. Nous avons même remarqué que toutes les
ti°es de ces plumes d'ornernejit perçoient la peau de l'oiseau, et qu'elles se
montroient toutes à découvert en dedans ; ce qui ne laisse aucun doute
sur la faculté qu'il a de les redresser à volonté.
Le manucode a les narines tellement couvertes par les plumes de la
base du bec, qu'on ne les apperçoit pas du tout. La queue est très courte,
mais en revanche les ailes sont fort longues, et sur-tout très amples : les
pennes de celles-ci sont à-peu-près toutes de la même longueur, si l'on en
excepte les deux premières qui se trouvent étagées et très cambrées endessous,
forme singulière qui rend les ailes fort différentes de celles de
la plupart des oiseaux en général , en ce qu'au lieu d'être pointues,
elles se terminent ici à-peu-près carrément comme une queue. Les
tarses sont longs , grêles, lisses et sans écailles. Les doigts, à grands ongles
crochus, sont réunis à leur base; mais cette adhérence est plus sensible
entre le doigt extérieur et celui du milieu qu'entre ce dernier et celui
d'en dedans. Le bec est long de sept lignes : la mandibule supérieure est
un peu arquée ; l'inférieure est droite, si ce n'est qu'elle se relève un peu
vers la pointe, ce qui donne de la force au bec fermé, et rend l'oiseau
capable de pincer fortement. Les narines, placées en long sur les côtés
du bec , sont plus que recouvertes par les plumes poileuses de cette
partie; car celles-ci occupent plus de la moitié de la mandibule supérieure,
sur laquelle elles sont implantées perpendiculairement, et où elles forment
une espece de panne ou de velours lâche à très longs poils. Sur la
base de la mandibule inférieure on remarque aussi de chaque côté un
petit espace angulaire, couvert de très petites plumes. La tête et les yeux
sont très bien en proportion. Quant à la taille de l'oiseau: six pouces
de long, y compris la queue, qui n'a que dix-sept à dix-huit lignes de
longueur, et qui est composée de dix pennes égales, plus les deux filets.
L'aile a quatre pouces et demi de longueur, et vingt-une pennes ; tarses,
treize à quatorze lignes; doigt du milieu, l'ongle y compris, huit à neuf
lignes; celui de derrière, dont l'ongle est le plus grand, même dimension
que celui du milieu : de sorte que le pied occupe dans son étendue un
espace beaucoup plus long que ne l'est le tarse. Eu masse le manucode
présente des rapports étonnants avec plusieurs étourneaux ; je ne serois
même point surpris d'apprendre qu'il en eût les moeurs , que dans son
pays natal il en remplit les fonctions , et que comme eux il suivit les
troupeaux d'animaux sauvages ou domestiques. Nous savons déjà que
cette espece vit en troupe, ce que prouve irrésistiblement le nom de roi
des oiseaux de paradis que lui ont donne les naturels du pays qu'elle
habite, sans cependant qu'il y ait dans cette prétendue royauté autre
chose de réel pour le manucode que d'en illustrer l'origine; car la même
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