92 HISTOIRE NATURELLE
neufs preinieres grandes pennes des ailes ont absolument les mêmes proportions
que dans le rollier à longs brins; mais les suivantes, au lieu d'y
être égales entre elles comme chez celui-ci, vont toutes en croissant à mesure
qu'elles approchent du dos; c'est-à-dire que la derniere de toutes ces
pennes a ici un pouce et demi de plus que la neuvieme, qui est la plus
courte, et qu'elle atteint à la quatrième grande penne quand les ailes sont
ployées. Ces deux oiseaux ont donc, comme on le voit les ailes coupées
d'une maniéré bien différente: ainsi, en n'ayant même aucun égard à ce que
le rollier vulgaire se trouve aux Indes absolument tel qu'il est en Europe,
puisqu'on peut objecter que les individus qu'en avoit reçus M. Teinminck
pouvoient bien avoir été importés d'Europe aux Indes, et avoir ensuite
été rapportés des Indes en Europe; on ne peut admettre, je pense, que
d'un côté la chaleur du climat ait donné une plus grande extension aux
deux plumes latérales de la queue, et raccourci les plumes alaires, tandis
que de l'autre le froid auroit au contraire raccourci les plumes de la queue,
et alongé celles des ailes dans la même espece ; une telle maniéré de voir,
si elle étoit adoptée, renverseroit toutes les idées, et mettroit en doute les
vérités les mieux établies. Le rollier vulgaire nous fournit encore la preuve
que l'ardeur du soleil n'influe pas autant qu'on l'a pensé sur les couleurs,
puisque c'est le revers des pennes de ses ailes ainsi que celui des plumes
de sa queue, par conséquent les parties qui sont le moins exposées aux
rayons brûlants de cet astre qui sont le plus vivement colorées en bleu.
Nous croyons en avoir dit assez pour avoir mis les naturalistes dans le
cas de prononcer sur l'identité ou la diversité d'espece du rollier vulgaire
et du rollier à longs brins. Il ne nous reste plus qu'à décrire dans l'article
suivant la femelle du rollier vulgaire.
Quant aux moeurs de cet oiseau, nous ne pouvons en dire que bien peu
de chose, c'est-à-dire que ce que les autres en ont dit avant nous; car je
n'ai pas été à portée de l'étudier dans les pays qu'il habite plus particulièrement.
A l'égard de ses migrations, nous savons qu'il passe en automne dans
la Lorraine; du moins, pendant mon séjour à Lunéville, un garde-chasse
m'apporta un individu mâle de l'cspecc, qu'il avoit tué dans une forêt voisine,
où il en avoit rencontré, me dit-il, une grande bande: on m'a assuré
aussi qu'on en voyoit de temps en temps aux environs de Paris; mais il
faut observer que les oiseaux qui vivent dans l'épaisseur des forêts échappent
souvent aux savants, qui rarement courent les bois pour y observer
la nature, qu'ils trouvent plus commode d'étudier dans les cabinets, laissant
ceux qu'ils dénigrent souvent leur aller chercher des matériaux neufs
a ranger méthodiquement: aussi remarque-t-on que ce sont toujours ces
observateurs de dépouilles d'animaux qui sont le plus opiniâtrement
attachés aux méthodes, et même les seuls qui les aient imaginées: mais,
ce qui est encore plus extraordinaire à l'égard de ces méthodes, c'est de
voir les conehiologistes classer aussi les animaux à coquille seulement
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d'après les maisons qu'ils habitent; car qu'est-ce autre chose qu'une demeure
ou une maison que cette partie calcaire qui enveloppe l'animal
et qu'on nomme coquille? or ne seroit-il pas plaisant de voir un habitant
du pôle austral, par exemple, qui arriverait en Europe, dont je suppose
pour un instant tous les habitants détruits, tandis que toutes les villes
seraient restées intactes avec leurs édifices; ne seroit-il pas plaisant, dis-je,
devoir cet homme chercher à nous classer, nous autres Européens, par
especes et par genres, d'après l'aspect et la couleur de nos différentes
demeures? Je doute qu'un tel observateur, en voyant un des hauts palais
de nos grands comparé à l'humble chaumiere de l'indigent, pensât que
rhomme qui habitoit l'un fût de la même espece que celui qui habitoit
l'autre? De quels secours peuvent donc être les systèmes et les classifications
méthodiques pour la connoissance des animaux, si l'on n'a étudié
les animaux eux-mêmes, si l'on n'a comparé les rapports qu'ils ont entre
eux par leurs formes, leurs moeurs, leur accroissement, etc., etc?