I 4 2 HISTOIRE NATURELLE
plat que celui du second ; et à cet égard je suis bien persuadé que sans
l'analogie des couleurs, de celle sur-tout des petites palettes rouges du
bout des moyennes pennes alaires que portent les deux oiseaux, il n'y a
pas un méthodiste qui n'eût fait du petit jaseur un cotinga. La huppe du
petit jaseur est moins fuie, c'est-à-dire moins soyeuse, moins transparente
que celle du grand, et la plaque noire de sa gorge n'embrasse qu'un tics
petit espace, tandis que chez l'autre elle descend fort bas. Le petit jaseur
a les couvertures du dessous de la queue blanches, et le grand, marron
foncé, ainsi que nous l'avons vu; les plumes du bas-ventre et des lianes
sont jaune pôle chez le premier, et gris cendré chez l'autre ; le petit jaseur
enfui a les ailes d'une couleur uniforme, grisaille avec un petit liseré blanc
sur les bords des grandes pennes, au lieu de ces belles taches blanches et
jaunes qui font un si bel effet sur les ailes noires du grand. Cependant si
toutes ces différences ne suffiraient pas pour constituer deux especes, en
voici une qui paraîtrait devoir lever tous les doutes à cet égard ; c'est quela
première grande penne de l'aile du grand jaseur est la plus longue, et
que toutes les autres sont successivement plus courtes, tandis que chez le
petit cette première grande penne est plus courte que la seconde, et que
celle-ci et la troisième sont égales entre elles : quant aux couleurs du plumage
, c'est-à-dire à celles de là huppe, du cou, de la poitrine, des couvertures
des ailes, du manteau, et à celles ainsi qu'à la forme des palettes
et de la bande du bout de la queue, tout cela, y compris la queue ellemême
, est semblable dans les deux oiseaux ; si ce n'est cependant que le
jaune du bout de la queue et le rouge des palettes sont plus vifs chez le
petit jaseur que chez l'autre ; le bec du petit jaseur est noir, et ses pieds
sont brunâtres. Ces deux oiseaux enfin ont chacun un bandeau noir sur le
front. lequel bandeau passe de chaque coté au-dessus de l'oeil , et va se
réunir par derriere sous la huppe. Buffon a trouvé plus de longueur aux
ailes du petit jaseur qu'à celles du grand; suivant lui elles aboutissent
plus vers l'extrémité de la queue chez le premier: niais ceci est une erreur
occasionnée sans doute par la mauvaise préparation des individus qu'aura
vus ce naturaliste; c'est aussi , ou par erreur, ou par faute d'impression
qu'on lit dans le même auteur que la poitrine dn petit jaseur est blanchâtre.
Nous avons examiné plus de deux cents petits jaseurs faisant partie
d'un même envoi d'oiseaux qui venoient de l'Amérique septentrionale,
et il est très certain que je n'en ai pas trouvé un seul dont la poitrine fût
blanchâtre; ce que j'ai vu, c'est un grand nombre de ces mêmes oiseaux
qui manquoient absolument de palettes, dont le nombre est ordinairement
de six sur chaque aile ; il est probable que tous ces individus éloient
femelles. Nous n'avons pas jugé nécessaire de donner aucune ligure des
femelles, parcequ'aux palettes près qu'elles n'ont jamais, et à quelques
teintes qu'elles ont plus foiblcs , elles sont absolument semblables aux
mâles.
DES GEAIS. i43
Quant aux moeurs du petit jaseur, nous n'avons aussi rien à en dire;
elles seraient cependant bien intéressantes à connoître, ainsi que celles
du grand jaseur; car autrement comment se faire une opinion raisonnable
sur l'identitc ou la diversité d'espece de ces deux oiseaux, dont
l'un , celui qui a fait le sujet de cet article, ou le petit jaseur, ne se trouve
que dans l'Amérique septentrionale, et l'autre qu'en Europe? Buffon dit
bien avoir vu un individu du petit jaseur qui venoit de Cayenne; je doute
qu'il vint de Cayenne : car dans les nombreuses pacotilles d'oiseaux que
j'ai vu arriver de la Guyane je n'ai jamais trouvé un seul jaseur. J'ai aussi
de la peine à croire que Fernandez ait vu cet oiseau au Mexique.
De toutes ces observations sur l'un et l'autre jaseur il sera facile au
lecteur de conclure que celui que nous avons nommé grand jaseur se
rapproche plus des geais que le petit, qui, quoique du même genre sans
doute, a cependant plus de rapports avec les cotingas, dont il a absolument
la forme de bec. La place de ces deux oiseaux paraît donc devoir
être entre les geais et les cotingas. Ces deux oiseaux confirment aussi
d'une maniéré frappante ce que j'ai dit bien des fois, que la nature étoit
loin de s'être restreinte à donner aux différentes especes d'oiseaux d'un
même genre des caractères aussi exactement semblables qu'il le paraîtrait
d'après les regies strictes de nos méthodistes à cet égard.
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