
6o HISTOIRE N A T U R E L LE
toyen Barabant s'est pour ainsi dire surpassé pour la vérité des couleurs et
des teintes fugitives qu'elles offrent sous leurs divers aspects : nous y renvoyons
même le lecteur pour les beautés de détails, qu'une description ne
sauroit rendre que très imparfaitement. L'oiseau dont nous parlons a le
corps à-peu-près de la force de notre pie vulgaire d'Europe, et sa queue,
composée de douze plumes étagées, a trois fois la longueur de son corps
du bec à l'anus: ses ailes ployées ne vont que jusqu'à la naissance de la
queue; elles sont taillées absolument comme celles de toutes les pies, et
peu amples: ce qui prouveroit que l'oiseau doit avoir de la peine à voler,
sur-tout quand le vent est un peu fort, la longueur d'une queue aussi
volumineuse que la sienne n'étant pas contre-balancée par l'envergure
des ailes. Les pieds sont forts et recouverts d'écaillés; les narines sont ombragées
par des poils roides qui se dirigent sur le devant, ainsi que de
longues plumes poileuses, qui, partant de la base de la mandibule inférieure,
cachent toute celle du bec. Celui-ci est un peu courbe; les mandibules
en sont unies sans aucune échancrure ; sa tète est fort grosse, la
bouche large, et les yeux sont grands: tels sont les caractères qui distinguent
l'espece de ce bel oiseau.
Quant aux couleurs de son plumage, le front, les joues, la gorge, et le
devant du cou, sont d'un noir velouté à reflet pourpre; du coin de chaque
oeil part une bande de plumes d'une couleur hyacinthe des plus éclatantes,
et qui, longeant les côtés du cou, se termine circulairement sur la poitrine ;
ce qui forme une espece de collier qui encadre tout-à-fait le noir pourpre
du devant du cou. Les plumes de parure de la tête, étroites à leur naissance,
s'élargissent à mesure qu'elles s'alongent, et se terminent en arc;
elles sont de différentes tailles, et rangées symétriquement, ou de inaniere
que les plus longues, celles qui occupent le derriere, ont leur racine recouverte
par d'autres plus courtes, et que celle de ces dernieres l'est par d'autres
qui le sont encore davantage, et ainsi de suite jusqu'au-dessus des yeux,
où se trouvent les plus petites. Toutes les plumes de cette partie sont de la
nature du velours dans tout ce qu'elles ont de visible, et d'un beau noir
à reflet verd ou pourpre, suivant les incidences de la lumiere. Le sommet
de la tête et tout le derriere du cou sont couverts de plumes, dont l'extrémité
est d'un verd émeraude éclatant, qui se dore aussi plus ou moins suivant
les coups de lumiere qu'il reçoit; et comme cette belle couleur verte est
séparée du duvet de chacune de ces plumes par une bande de couleur
hyacinthe, on voit s'échapper des éclats de cette riche teinte de tous les
endroits où les plumes se séparent un peu. Le manteau, les scapulaircs,
le dos, le croupion, et les plumes des jambes sont d'un noir brun nuancé
de pourpre. Tout le dessous du corps, depuis la poitrine jusqu'au bas du
ventre, est d'un beau verd soyeux de malachite polie. On voit sortir des
flancs, à travers cette belle couleur, des reflets hyacinthe, pareeque les
plumes de cette partie portent aussi une bande de cette derniere couleur
DES OISEAUX DE PARADIS. 61
entre leur partie verte et leur duvet. Les ailes sont noires dans toutes leurs
parties cachées, et dans celles visibles elles sont lustrées et changeantes
en pourpre ou eri verd sablé, suivant le jour sous lequel l'oiseau se trouve
placé. Les couvertures du dessus de la queue sont violâtres. La queue est
composée de douze plumes, étagées de maniéré que la plus courte latérale
de chaque côté est du quart de la longueur des plus longues: celles-ci,
fort larges, sont en-dessus, exposées au jour, d'un violet magnifique,
que l'on voit aussi se jouer sur les bords extérieurs de toutes les latérales;
et, ce qu'il y a de particulier, c'est qu'à certain jour toute celte queue
paroit en-dessus et en-dessous coupée par des lignes transversales qui
disparoissent dans toute autre position. Le revers des ailes et celui de la
queue sont d'un noir brun glacé. Enfin le bec et les pieds sont noirs.
Le bel individu que je viens de faire servir à cette description se trouve,
comme je l'ai déjà dit, dans le cabinet de M. Gevers Arntz, à Rotterdam :
j'en ai vu un autre aussi beau et non moins bien conservé que celui-ci
dans la précieuse collecLion de M. Temininck de la même ville; et M. Raye
de Breuckelerwaert a en sa possession un mile de la même espece. Il
paroit qu'il y en a aussi un à Londres ; du moins M. Latham a donné
la description d'un individu de cette espece sous le nom d'oiseau de
paradis à collier d'or : mais ce naturaliste ne fait aucune mention de la
parure de tête dont nous avons parlé; ce qui feroit croire que l'individu
qu'il a décrit avoit subi les mutilations en usage chez les insulaires de la
Nouvelle-Guinée, d'où tous ceux dont j'ai parlé avoient été rapportés. J'ai
vu encore dans différents cabinets plusieurs individus du même oiseau;
mais ceux-ci ayant été mutilés aussi par les sauvages, les ailes et les
pieds leur manquoienl ainsi que les os de la tête, qui, se trouvant par- là
rétrécie et déformée, les eut rendus tout-à-fait méconnoissables, sans la
queue et les belles plumes des autres parties du corps qu'on laisse d'ordinaire
à ces peaux dégradées, qui nous parviennent desséchées sur un
roseau.