
46 HISTOIRE NATURELLE
L E S U P E R B E.
( N° 14 ET i 5 . )
LE superbe est encore un de ces oiseaux que la nature a parés d'une
maniéré extraordinaire par une surabondance de plumes magnifiques,
mais si singulièrement distribuées chez lui, qu'elles doivent naturellement
le «éner dans ses divers mouvements ; aussi remarque-t-on que tout cet
attirail loin de lui donner l'agréable prestance el l'air de dignité qu'on
trouve au sifflet, ainsi qu'à beaucoup d'autres oiseaux chez qui ce luxe de
plumes ajoute encore à la beauté des formes, dérobe ici à 1 oeil les parties les
plus susceptibles par leur mouvement de donner de la grace au corps, qu il
fait même paraître engoncé et lourd. La raideur, par exemple, de celles de
ces plumes qui se trouvent accumulées sur le cou de l'oiseau fait quelles
semblent être pour lui un fardeau; car, ne fléchissant point, elles ne se
prêtent en aucune maniéré aux tournoiements agréables de celte partie,
qu'elles cachent entièrement ainsi que tout le dos. Si nous ajoutons que le
devant du cou est aussi garni de plumes droites et roides, formant comme
une cuirasse, et qui, descendant presque sur les jambes, ne participent
point aux effets des mouvements du corps, on sentira facilement que ce que
nous avons dit de l'air engoncé ou même lourd de cet oiseau est vrai, et
nue dans son élat ordinaire, dans l'état de repos, il doit plutôt paraître
armé en guerre que paré pour les amours: tel du moins il m'a paru, et tel
il paraîtra sans doute à tous ceux qui le verront dans ce même état de
repos. Mais lorsqu'il se pare, el qu'il rcleve ces plumes-velours qm cachent
toutes les parties supérieures de son corps; lorsque sa brillante tête, ornee
sur le front de deux aigrettes mobiles, vient à se dessiner sur ce fond de
velours noir si favorable aux teintes vives et resplendissantes de l'espece de
cuirasse fourchue du devant de la poitrine, c'est alors, dis-je, qu il devient
sans doute admirable, et qu'on peut a juste titre lui appliquer le surnom de
superbe, que lui a donné Buffon par pressentiment de tout ce qu'il devoit
être, vu dans toute sa magnificence; élat que 11e lui présentoit guère
l'individu mutilé qu'il avoitsous les yeux lorsqu'il fusa d e s c r i p t i o n , premier
individu de l'espece que nous ayons en en France, el que nous devons aux
recherches intéressantes de Sonnerai, qui l'apporta de la nouvelle Guinée,
et qui en adonné la premiere description ainsi que la figure dans l'histoire
de son voyage dans cette partie du globe. Cet individu, que j'ai vu, est
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