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 d'hiver; ils profitent  pour cela du  moment où elles se dégagent de leur  
 enveloppe et tombent naturellement; aussi pendant l'automne trouve-t-on  
 les geais toujours à terre au pied des noyers, et ramassant toutes les noix  
 tombées: cela  fait, ils savent aussi  reconnoître celles dont le brou  commence  
 à se fendre, et les abattre d'un coup de bec. Le geai est très criard;  
 et,  quoique farouche à l'aspect d'un  danger, il est attiré par le  moindre  
 bruit  extraordinaire: il suffit de contrefaire la  chouette,  ou  même  de  
 souffler sur le tranchant d'une feuille (ce que les oiseleurs appellentfrouer)  
 pour les voir arriver à l'instant par bandes; ce qui  donne une grande facilité  
 pour les  tuer: il faut cependant bien se cacher  pour réussir à cette  
 chasse ; car une fois effarouché l'oiseau  n'approche plus le chasseur. Si l'on  
 a blessé un geai ou tout autre oiseau, et qu'on le fasse crier, tous les geais  
 des environs accourent sur les lieux.  Rien n'est  donc plus facile  que  de  
 se procurer cet  oiseau, très curieux de son  naturel, arrivant au  moindre  
 bruit, mais fuyant, comme je l'ai dit, au plus petit danger reconnu par lui.  
 Ceci ne s'entend que des vieux  geais, car les  jeunes sont très stupides;  
 aussi les oiseaux de proie en font-ils une grande destruction : le  peuple,  
 de son  côté, recherche avec plaisir leurs nichées pour les enlever; ce qui  
 fait  que le  nombre des geais reste toujours à-pcu-près, le même. Il y a  
 aussi des personnes qui les mangent,  quoique leur chair soit loin d'être  
 un mets  délicat; cependant les  jeunes, rôtis après avoir été  bouillis,  
 peuvent être appréciés par certaines  gens: quant à moi, qui ne suis pas  
 plus difficile que beaucoup d'autres, j'avoue qu i! s'en faut bien que je les  
 compare aux grives.  
 On trouve dans plusieurs auteurs beaucoup de différentes maniérés de  
 prendre les geais ; mais la plupart de ces moyens ne sont qne  de pures  
 fictions imaginées à plaisir : tel est bien certainement celui du plat d'huile  
 qu'on expose dans un  endroit fréquenté par les geais, lesquels venant se  
 mirer dans le plat prennent leur  propre image  pour d'autres geais qu'ils  
 cherchent à combattre; leurs ailes venant alors à s'imbiber, ne se prêtent  
 bientôt plus aux efforts qu'ils font pour  s'envoler, et laissent au chasseur  
 le temps de les prendre ; tel est aussi, entre beaucoup d'autres que je ne  
 rapporterai  pas, celui du geai vivant qu'on attache fortement sur le dos,  
 etqui dans cette position saisit et serre si vigoureusement ceux de ses camarades  
 qui viennent  l'entourer,  qu'on peut aller les prendre a la main.  
 Cette  dernierc manière est très bonne  pour attirer les geais sur un arbre  
 chargé  de gluaux , ou aux environs duquel le chasseur se met en embuscade  
 ; mais il est bien certain que les geais libres se garderaient d'approcher  
 celui qu'ils verraient dans la gêne ; il faut au contraire  pour  
 réussir à cette chasse avoir le plus grand soin de  cacher celui  qui, par  
 ses cris seuls, doit servir à leurer les  autres,  puisque dès qu ils  l'appercevroient  
 garrotté ils fuiraient tous  pour ne plus revenir.  
 La meilleure maniéré de prendre les geais et tous autres oiseaux, c'est  
 d'avoir une chouette vivante, ou même  empaillée,  qu'on attache sur une  
 grosse branche au bas d'un arbre chargé de gluaux ; on se cache très  
 soigneusement, on  froue «à petit bruit pour seulement faire approcher un  
 oiseau  quelconque; le premier qui  arrive,  n'importe  lequel, se met, en  
 voyant la  chouette, à faire un cri d'effroi qui appelle tous les autres  oiseaux  
 : vous voyez alors  accourir les geais, les  grives, les merles, tous  
 les oiseaux  d'alentour, même les plus rusés, jusqu'à la méfiante  pie, le  
 plus avisé des volatils. Restez caché jusqu'au  moment où tous vos gluaux  
 sont à bas ; puis ramassez tous les oiseaux pris , qui lorsqu'ils n'ont vu  
 personne se  montrer, surpris de se trouver englués et  arrêtés, restent  
 assez ordinairement tranquilles dans l'endroit où ils tombent : si vous  
 vous montrez un instant, vous gâtez la chasse, vous perdez tout le fruit  
 de vos peines; et ce n'en est pas une petite  que de préparer un arbre à  
 recevoir les gluaux , et de les y poser. On sent bien que les chouettes  
 vivantes sont dans cette chasse préférables aux empaillées : la cheveche  
 est aussi l'espece qui convient le  mieux, parcequ'elle est la plus  docile,  
 la plus facile à apprivoiser, la plus  petite, et par conséquent la moins  
 embarrassante à transporter.  
 Le geai est caractérisé par une grosse tête largement garnie de plumes  
 longues, soyeuses, douces au  toucher, et qu'il redresse à volonté ; il a la  
 queue  coupée  carrément, et ses ailes ployées dépassent le  croupion de  
 deux pouces. Les mandibules sont  fortes, et le  bec a l'apparence d'un  
 coin arrondi ; aussi est-ce à coups de bec qu'il fend une noix et qu'il ouvre  
 les glands : il a  beaucoup  de  peine à casser une noisette  entiere; mais  
 si un ver y a pratiqué le moindre trou , il en vient facilement à bout en  
 l'assujettissant sous son  pied, et en donnant des coups de bec sur le trou  
 même jusqu'à ce qu'elle se partage ou qu'il emporte une partie de la  coquille. 
  Pour se faciliter au reste le moyen de faire usage  de ces sortes de  
 fruits durs il les entasse dans un trou d'arbre  ou dans un vieux terrier  
 abandonné : l'humidité de ces lieux  gonfle 1 amande, et les coquilles se  
 partagent naturellement ; ces fruits s'ouvrent aussi d'eux-mêmes dès que  
 le germe vient à se développer. La langue du geai est  membraneuse,  
 noire, et fourchue,  ce qui ne l'empêche pas de contrefaire tous les sons  
 qu'il  entend, ni même  de  prononcer des  mots, sur-tout ceux en r ; c'est  
 aussi ce qui fait que ceux qu'il  prononce le plus distinctement sont  ceux  
 des langues allemande et hollandaise : il contrefait à s'y méprendre le  
 miaulement d'un chat, ainsi que l'aboiement d'un petit chien à voix rauque.  
 Le trait le plus marqué de son plumage consiste dans ces belles plumes  
 bleues rayées transversalement de  noir, qu'on remarque sur le haut des  
 ailes, et dont autrefois nos dames ne dédaignoient pas de se parer. Dans  
 ces temps on devoit cruellement faire la guerre à ces oiseaux ; car il  
 falloit certainement plusieurs centaines de geais  pour compléter la gar