
,o/t HISTOIRE NATURELLE
caractérise d'une maniéré si particulière, que nous avons cru devoir en
tirer la dénomination de roi le à gorge bleue que nous lui donnons, plutôt
que de lui conserver le nom de rollier des Indes qu'il porte chez les nomenclateurs,
et qui ne convient pas mieux à cette espece qu'à toutes celles qui
se trouvent aussi dans cette partie du inonde. La tète et le derriere du cou
sont dans le rolle à gorge bleue d'un brun terreux nuancé de verd brunâtre,
qui sur le manteau approche plus de cette derniere couleur, et tire à l'aiguemarine
sur les bords latéraux des scapulaires; le bas du cou par-devant, la
poitrine, le ventre, les plumes des jambes, les couvertures du dessus et
du dessous de la queue, tout le dessous du corps, et même les couvertures
du revers des ailes sont aigue-marine, mais un peu plus terne que chez
les autres rolliers; la queue est à sa naissance et en-dessus de cette même
couleur, qui s'éclaircil sur son milieu pour se changer en noir brun verdissant
vers la pointe; le dessous de la queue est d'un verd d'eau ; les couvertures
supérieures des ailes sont verd aigue-marine teinté d'un brun
plus prononcé sur les poignets; les petites pennes qui couvrent le pied des
grandes pennes alaires sont bleues; celles-ci sont en-dessus et en-dessous
verd aigue-marine à leur naissance, puis bleues, et enfin toutes noires
extérieurement ; le bec est d'un rouge orangé; les pieds sont d'un jaune
brun, et les ongles noirs.
Le bel individu que nous venons de décrire, et que nous avons fait
figurer, fait partie des collections du muséum d'histoire naturelle de Paris,
où il a été déposé depuis peu: celui qu'on y voyoit auparavant a été entièrement
détruit tant par les fumigations de soufre que par les insectes
rongeurs: nous avons aussi vu l'espece dans plusieurs autres cabinets.
Nous terminons ici l'histoire des rolliers et des rolles, quoique les naturalistes
aient parlé de beaucoup d'autres especes que nous n'avons jamais
vues en nature, et que, pour cette raison, nous ne reproduirons pas dans
cet ouvrage. Nous voyons, par les exemples du rolle de la Chine, et de
celui surnommé legrivert, qu'il est très prudent de n'admettre que d'après
de bonnes autorités les especes d'un genre quelconque qu'on ne connoit
pas par soi-même. Je crois donc qu'il est sage de supprimer de la liste des
oiseaux du genre dont nous venons de nous occuper tous ceux dont l'existence
nous paroit tout au moins douteuse. Quelle foi, par exemple, peuton
ajouter à tous ces rolliers décrits par Latham sur des dessins qu'il a
trouvés rassemblés dans des collections, lorsqu'il n'a jamais vu en nature
les oiseaux qui y sont représentés? ne seroit-ce pas chercher à introduire
la plus grande confusion dans une science dont l'exactitude doit être la
premiere base? Et comment se fier à des dessins faits par des peintres qui
n'attachent ordinairement aucune importance aux caractères, dont la
connoissance est cependant si nécessaire aux naturalistes? Quelle peine
n'avons-nous pas nous-mêmes à faire saisir ces caractères aux artistes qui
travaillent sous nos yeux et guidés par nos observations? On ne sauroit
donc être trop sur ses gardes lorsqu'il s'agit de dessins dont on ne connoit
pas même l'auteur. Une autre considération plus forte et qui m'a déterminé
à éliminer de mes ouvrages tous les oiseaux que je n'aurois pas
vus, c'est le peu d'accord qui regne dans les livres à l'égard de la plus
grande partie des oiseaux , dont on voit une même espece placée par
l'un dans un genre, et par tels autres dans des genres tout opposés. Il
faut avoir beaucoup d'expérience et de pratique , il faut avoir beaucoup
vu et comparé les oiseaux ensemble pour les bien connoître et ne pas
se tromper sur les genres : ceux qui croient qu'il leur suffit pour cela de
l'examen de ces caractères insignifiants donnés par nos méthodistes se
trompent fort. Ces petites échancrures au bout du bcc de certains oiseaux,
ces poils qui naissent autour des narines, et couchés en avant ou en
arriéré, ces phalanges plus ou moins réunies ou séparées entièrement, etc.
sont de foibles indices pour juger de l'analogie des especes; elle se décele
bien mieux cette analogie par cet accord dans la conformation des
parties qui constituent les facultés , et qu'on saisit au premier coupd'oeil
lorsqu'on s'est exercé à voir non des dépouilles ou des squelettes
desséchés, mais la nature vivante. Tenter de redresser toutes les erreurs
ornilhologiques en remettant à sa place chaque espece décrite , réunir
dans une seule espece toutes celles qui ont été données sous différents
noms comme autant d'especes différentes , éliminer et faire justice de
tous ces oiseaux qui n'existent réellement pas, et qui ne sont que des
oiseaux fabriqués de débris d'autres oiseaux, et que plusieurs naturalistes
ont cependant décrits faute de cette pratique si nécessaire à l'étude
de l'histoire naturelle, seroit une tâche au-dessus de mes forces, et pour
laquelle ma vie entiere suffiroit à peine ; aussi ne l'entreprendrai-je pas:
mais chemin faisant, et lorsque les occasions s'en présenteront, je continuerai
de m'occuper de tous ces redressements, quoique souvent ils
me vaillent d'injustes diatribes. La vérité doit l'emporter, et dussé-je
encourir l'anathême de tous les savants mes contemporains je la ferai
toujours connoître lorsque je croirai l'avoir trouvée. Le temps viendra
peut-être où l'on rendra quelque justice à mon zele : en attendant nous
allons relever quelques erreurs à l'égard des rolliers, puisque nous en
sommes sur ce sujet.
Le rollier d'Angola, de Ruffon, qu'il donne pour une variété de celui
de Mindanao, qui est notre rollier varié, malgré la différence de nos
descriptions, n'est qu'un rollier d'Abyssinie ou notre rollier à longs brins,
sur le corps duquel ont été entés une tête et un cou de rollier de Mindanao
; chose dont je suis sur, puisque j'ai vu en nature l'individu même
qui a servi à la description de ce naturaliste, et que par là je me suis
convaincu de la supercherie dont ne setoit pas apperçu en premier lieu
Daubenton le jeune , véritable éditeur des planches enluminées dites de
Buffon; lesquelles planches, quoique copiées généralement sur des oiseaux