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pl. ii ; les autres ne sont que plus petites que celles-là, et le deviennent
toujours davantage à mesure qu'elles s'approchent de la gorge. Les plumes
de cette demiere ainsi que généralement toutes celles du corps sont d'un
noir changeant en pourpre: quant aux subalaires, elles sont, vues en masse,
d'un noir mat, et séparées, d'un noir brun; les ailes, qui s'étendent jusqu'au
milieu de la queue, sont aussi noires et veloutées comme elle dans toutes
les parties qu'on apperçoit des pennes, lorsqu'elles sont ployées et serrées
au corps; leur dessous et leurs barbes intérieures sont lisses et d'un noir
luisant, légèrement pourpré; le bec, dont l'arête est tranchante, les pieds
et les ongles sont noirs.
Lorsque cet oiseau déploie tous ses attributs, c'est-à-dire Iorsqu'excité
par l'amour il étale, comme tous ceux que la nature a ainsi favorisés, toutes
les richesses de sa parure, alors, dis-je, cet oiseau doit se présenter sous un
aspect véritablement imposant; attitude que nous avons bien essayé de
rendre dans notre planche 12, mais d'une nianiere qui, quoiqu'en approchant
le plus possible, est sans doute encore bien éloignée de rendre
ce jeu que donnent à l'être vivant le désir qui le presse et la présence de
l'objet qui doit le satisfaire. Notre n° i3 représente le même oiseau dans cet
étal de tranquillité où, content du succès de ses préludes amoureux, il touche
au moment de jouir de son triomphe, moment délicieux où toute parure
devient inutile et même gênante.
Après cette description lidele et vraie que nous venons de faire, et l'exactitude
des figures que nous donnons du sifilet, il seroit, je pense, inutile
d'entrer dans de grands détails sur toutes celles qu'on a publiées du même
oiseau, et de rappeler ici tout ce qui a donné lieu aux différentes erreurs
qu'on a commises à son sujet: nous nous bornerons donc à dire que pour
connoitre les choses et en parler sainement, il faut les avoir étudiées, et
qu'il paroit. qu'il est même certain que la plupart de nos ornithologistes
n'en ont rien fait jusqu'à ce jour.
J'ai vu plusieurs sifilets dans différents cabinets, mais je n'en connois que
trois de parfaits, dont l'un fait partie du cabinet de M. Hollhuysen à
Amsterdam; M. Gevers Arntz, de Rotterdam, possède l'autre; et le troisième,
tout le monde peut le voir chez moi (1). Plusieurs naturalistes
assurent que l'espece s'en trouve à la nouvelle Guinée ; ce que nous
(1) Cet oiseau est resté long-temps déposé avec beaucoup d'autres chez mon libraire, afin que le public pût,
en le comparant aux dessins et aux gravures qui en ont été faits, s'assurer que je 11e m'amusois point à embellir
les oiseaux que je publiois, ainsi que certaines gens, intéressés sans doute à décrier cet ouvrage,
cherchent sourdement à le persuader aux crédules. Si l'intention perfide ne se montrait ici, je semis en
vérité tenté de m'enorgueillir d'un tel reproche : embellir la nature! ce seroit là sans doute un beau titre à la
reconnoissance publique. O ISarraband ! toi dont le pinceau fidele sert si puissamment mon zele, toi que j'ai
vu si souvent hésiter, craindre de ne pas rendre les beautés que j'exposois .1 tes regards, aurois-tu pensé
que, dans le dessein de me nuire, on trouveroil que tes couleurs, savamment distribuées, surpasseroient
celles de la nature? Mais consolons-nous; elle sera toujours là la nature pour donner 1111 démenti à nos vils
détracteurs.
DES O I S E A U X DE PARADIS. 45
ignorons. Il paroît au moins qu'elle y est moins nombreuse que celle de
l'oiseau de paradis-émeraude, puisqu'on ne reçoit pas en Europe à beaucoup
près autant de ses individus que de ceux de cette derniere : ils nous
parviennent au reste la plupart préparés d'une même maniéré, c'est-adire
desséchés sur un bâton et sans pattes, sans ailes, ni os dans la tête;
or c'est d'après ces mannequins que le sifilet avoit été décrit et figuré jusqu'ici
: on ne doit donc pas s'étonner de nous trouver si peu d'accord avec
nos prédécesseurs.
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