48 HISTOIRE N A T U R E L LE
la faculté de relever ces plumes et de les étaler en forme de roue; ce qui
le prouve évidemment c'est que toutes les parties du dos, que cachent les
plus longues plumes du manteau lorsqu'il est rabattu, sont entièrement
couvertes par les plumes ordinaires, qui les revêtent toujours, et de maniéré
que le manteau, lorsqu'il est relevé, ne laisse appercevoir aucune
partie nue. Nous avons aussi remarqué, dans l'individu bien conservé que
je fais servir à cette description, que toutes les plumes du manteau perçoient
la peau, et qu'elles étoient reçues sur un muscle extenseur; ce qui, si ce
que nous avons déjà dit ne suffisoit pas, seroit une preuve des plus
convaincantes pour ceux-là mêmes qui, n'ayant pas vu vivante l'espece dont
il est ici question, auroient observé tout autre oiseau pourvu de plumes
d'ornement, de cette faculté de s'en parer en les étalant d'une maniéré
quelconque. Un autre caractere assez particulier encore dans cet oiseau,
c'est cette sorte de cuirasse formée de plumes implantées au bas du cou sur
un espace de cinq à six lignes.
Les plumes de cette cuirasse sont dures, et cachent tout le sternum, qui
n'en est pas moins pour cela couvert des plumes ordinaires de l'oiseau:
ainsi cette partie qui forme ce que nous appelons la cuirasse, est aussi
susceptible d'être déployée ou relevée; car nous avons vu que ces plumes
perçoient aussi la peau, dans l'intérieur de laquelle on apperçoit tous leurs
tuyaux (voy. les deux lettres H de la même planche 11 ). Enfin les ailes
ployées s'étendent jusqu'au milieu de la queue; et de la base de la mandibule
inférieure partent des plumes semblables à des poils, qui se dirigent
sur le devant.
Après avoir fait connoître d'une maniéré aussi détaillée que nous venons
de le faire les caractères distinetifs du superbe, il ne nous reste que peu de
chose à dire de ses couleurs, ce dont nous pourrions même nous dispenser,
nos planches en donnant certainement une idée bien plus parfaite qu'on
ne pourroit le faire avec des mots, toujours insuffisants pour désigner
au juste le jeu de ces riches teintes, variant à 1 infini, et échappant, pour
ainsi dire, à l'oeil qui cherche à les saisir, pour les peindre dans la pensée,
et les faire passer de celle-ci dans le discours.
Le dessus de la tète est d'un verd brillant, qui varie de teintesuivanl qu'on
expose l'oiseau plus ou moins directement aux rayons de la lumiere: les
plumes du devant du cou, depuis le bec jusqu'à la naissance de la cuirasse,
sont d'un noir violàtre ; celles des côtés de la tête sont, ainsi que les
aigrettes, d'un noir velouté, à reflet pourpre ou verd, suivant les incidences
de la lumiere. Tout le dessus du corps, les parties cachées par le manteau
et la cuirasse, le croupion, les couvertures du dessus et du dessous de la
queue, les jambes, sont d'un noir pourpre: la partie-velours du manteau
est aussi de cette couleur; mais on apperçoit, sous certain point de vue,
sur ses grandes et moyennes intermédiaires plumes une bande d'or
rembruni, qui traverse le large bout de chacune d'elles, et qui dispàroît
DES OISEAUX DE PARADIS. 4g
dans toute autre position. Les pennes latérales de la queue sont d'un noir
richement pourpré, tandis que celles du milieu paroissenl comme sablées
avec une poussiere verdàtre sous certain aspect; particularité qu'on remarque
aussi sur les dernieres pennes alaires, sur les scapulaires, et les
bordures extérieures des autres pennes des ailes, dont les barbes intérieures
et le revers sont dun noir legerement violacé, ainsi que le dessous
de la queue. La cuirasse est d'un beau verd brillant, qu'on croiroit sous
certain jour se glacer d'argent, tandis que sous tel autre il prend de riches
teintes violettes. Enfin les différentes nuances des belles couleurs de cet
oiseau varient sous une infinité de positions. 11 est donc vrai qu'il faut le
mettre au nombre de ceux dont une description ne sauroit rendre que très
imparfaitement les beautés.
Buffon, Sonnerat, et plusieurs autres naturalistes ont décrit et même
figuré cette espece sous le nom que je lui ai conservé: il seroit, je pense,
inutile de relever les erreurs ou omissions qu'on a commises ou faites à son
égard, le lecteur pouvant en juger d'après ma description tout aussi bien
que je l'ai fait moi-même. Parceque certains oiseaux de paradis ont des
filets, Buffon, ou du moins Montbeillard suppose au superbe des filets
qui peut-être sont tombés dans la mue, dit-il, à l'individu qu'il a vu. Le
superbe n'a point et n'eut jamais des filets, non parcequ'il a douze plumes
à la queue, tandis que les oiseaux de paradis qui ont des filets n'en auroient
que dix; car les oiseaux de paradis qui portent deux filets à la queue ont
effectivement douze plumes à la queue, puisque les deux filets en font
partie, et qu'ils tiennent lieu des deux plumes intermédiaires, qui poussent
par les deux mêmes trous. Cela est si vrai que les jeunes mâles ont les douze
plumes à la queue, sans filets, et que, lorsqu'ils prennent les attributs de l'âge
fait, ils n'en ont plus que dix, les deux filets ayant pris alors la place des
pennes intermédiaires : mais les femelles, qui bien certainement n'ont pas
de filets, conservent toujours leurs douze plumes semblables. Telle est la
vérité à l'égard des oiseaux à filets dont nous avons parlé jusqu'ici; mais
ceci n'est pas applicable en général à tous les autres oiseaux portant des
filets ou des plumes surabondantes sur le croupion, plumes qui ne font
point alors partie de la queue. La veuve dominicaine, la veuve d'Angora,
la veuve à quatre brins, etc., leurs mâles s'entend , en fournissent des
exemples : ils ont des plumes surabondantes sur le croupion; et comme ces
plumes n'appartiennent point à la queue, leurs femelles, ainsi que les
mâles jeunes ou adultes, y ont constamment le même nombre de pennes.
Cela ne peut cependant pas s'appliquer à toutes les veuves; car il en est
chez qui c'est encore tout autre chose; et rien ne prouve davantage que la
nature se joue des réglés que nous donnons à tout par nos systèmes, et
qui feront toujours un chaos de l'histoire naturelle des oiseaux.
Quelques naturalistes ont prétendu reconnoitre dans le superbe, et même
dans lesifilet, deux des oiseaux de paradis désignés par Valentin sous le nom
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