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« Ilelativement (i) à ]a qualité du bois de cet arbre, celui de l'espece la plus
« estimable est le Tilleul de nos bois à petites feuilles, Tilia femina folio minore
« C. BAUH. Pin. Le Tilleul a cet avantage qu'il parvient à une grande liauteur
" sans se creuser ; c'est pourquoi on en livre dans les ports de gros troncs pour
« faire les figures de l'avant des bâtiments de mer : quant aux autres pieces de
« sculpture, on préféré ceux qui sont moins gros ; on estime ceux dont le bois
« n'est pas parfaitement blanc. Toutes les especes de Tilleuls s'emploient à fiiire
<c des ouvrages de tour et de raclerie ; on en débite en planches pour de légers
« ouvrages de menuiserie : mais quand le Tilleul à petites feuilles a pris sa croiscc
sauce dans un terrain plus sec qu'humide et qui a beaucoup de f o n d , ' i l peut
« fournir de bonnes poutres. Il seroit superflu de répéter, chaque fois que nous
« parlons d'espece d'arbre, qu'il ne doit être ni gélif, ni roulé, ni avoir aucun
« des autres défiiuts dont nous avons parlé ci-devant.
cc II Y a dans nos forêts (2) des Tilleuls à petites feuilles dont le bois est très
« ferme quand les arbres ont crû dans des terrains qui ne sont point trop humides;
« leur bois n'est pas d'un grand blanc ; la couleur est d u n roux un peu pâle •
« les plus gros peuvent êtie débités en bois quarré, et fournir de fort bonnes
c< poutres ; mais communément on refend toutes les especes de Tilleuls en plac<
teaux, qu'on vend aux sculpteurs qui travaillent pour les bâtiments civils; on
« les vend aussi aux tourneurs pour en faire de petits barils dans lesquels les
cc chasseurs conservent leur poudre â tirer ; souvent les boisseliers les achètent
« sur pied pour les faire travailler en sabots ; enfin on les débite en planches de
cc différentes longueurs et épaisseurs pour l'usage des menuisiers, et en merrains
cc pour les tonnes de marchandises seches ». DOTIAM.
On ne peut guere ajouter aux détails dans lesquels Duhamel est entré sur l'utilité
de cet arbre ; on lui préféré néanmoins l'espece suivante pour rorncnient de
nos promenades et de nos jardins, et sous ce rapport on a raison, pareeque le
feuillage de celui-ci est beaucoup moins agréable.
C'est lo Tilleul qui a servi à faire l'expérience de physique végétale par laquelle
on a prouvé que de la tête d'un arbre on peut en faire les racines, et des racines
la tête.
Le Tilleul servoit parmi les anciens à quelques usages. c< Il a , dit Pline (3),
entre l'écorce et le bois plusieurs tuniques ou pellicules dont on fait des liens ;
les plus minces de ces pellicules, appelées philyroe, sont célèbres par l'usage qu'en
liusoient les anciens pour les bandelettes de leuis couronnes ». C'est à quoi fait
allusion Ovide dans ce vers des Fastes, liv. V:
Ebriiis incinctis philyrà conviva capillis
Saltat, etc.
CuLTunE. cc On peut élever les Tilleuls de semences. Si l'on conserve la graine
ce pour ne la mettre en terre qu'au printemjis , elle ne levé souvejit que dans la
te seconde année; mais si on la mêle, aussitôt qu'elle est mûre, avec du sable ou
(1) null. Exploilation des bois, vol. I , p. 3o5.
(2) Wem, vol. II, ]). 538.
(3) I'iine , liv. XVI, chap. 14.
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tc de la terre pour la semer au printemps suivant, elle levé souvent dès la prccc
miere année.
ce Comme les Tilleuls élevés de semences sont long-temps à parvenir à une
cc grandeur convenable pour être plantés en avenues, les jardiniers ont coutume
cc de les élever de marcottes ; pour cet effet ils coupent au ras de terre un gros
cc Tilleul ; alors la souche pousse quantité de jets vigoureux, et en couvrant encc
suite cette souche avec de la terre, tous ces jets poussent des racines et fourcc
nissent du plant en abondance. Les Tilleuls souffrent très bien d'être tondus
cc au ciseau : c'est maintenant l'arbre à la mode ; et depuis qu'on s'est dégoûté
<c des Maronniers d'Inde on n'en plante pas d'autres dans tous les jardins.
cc Les TUleuls se pLaisent principalement dans les terres qui ont beaucoup de
cc fond, plus légeres que fortes, et un peu humides.
cc Le Tdleul, dit-il ailleurs (1), vient d'une grosseur prodigieuse dans les terres
cc argilleuses alliées de sable ; j'en ai vu un que quatre hommes avoient de la
cc peine à endjrasser. Cet arbre ne devient point gros dans les terrains secs, arides
cc et pierreux , il s'accommode bien mieux des terrains fort humides ; mais son
cc bois n'y est pas à beaucoup près si bon que dans les sables gras ou dans les
cc fonds de bonne terre franche : alors on en peut faire du lambris, des planches,
ce et même des poutres qui subsistent long-temps sans être piquées des vers ». DUH.
Cet arbre, placé dans un terrain convenable, s'éleve à une grande hauteur.
Ray parle, d'après Evelyn, d'un Tilleul qui, sur trente pieds de tige, avoit environ
quarante-huit pieds de circonférence. Thomas Brown fait mention d'un autre Tilleul
C|ui avoit quarante-cinq pieds de circonférence à un pied et demi de terre,
et soixante-quinze pieds de hauteur (2). Le Tilleul préféré un sol léger , substantiel
et profond : pour le semer on trace des raies de deux pouces de profondeur, à
la distance de six pouces les unes des autres ; c'est dans ces raies que la semence,
quinze jours après qu'elle a été récoltée, est jetée assez clairement, et ensuite
couverte par la terre des côtés. Dans le midi la superficie du sol demande à
être recouverte avec de la paille menue ou avec des feuilles , afin d'entretenir
un peu de fraîcheur dans la terre, et quelquefois légèrement arrosée pendant le
reste de l'été. Au nord de la France ces arrosements sont en général inutiles ,
pareeque la chaleur y est moins vive et les pluies plus fréquentes. Les raies
ont l'avantage de permettre de laisser un an de plus les jeunes plants dans le sol
du semis, et parcequ'on a plus de facilité d'éclairclr et de supprimer les surnuméraires
et les malvenants. L'époque de les transplanter est à la seconde année
après les semis ; ils profiteront beaucoup plus dans la péplniere que si on les avoit
transplantés après la premiere. Je réitéré ici mes instances auprès du propriétaire,
dit Rosier, afin qu'il veille lui-même sur la levée du semis ; il aura soin que l'on
commence par un des côtés de la planche, qu'on ouvre un fossé au moins de
deux pieds de profondeur, qu'on continue cette excavation d'un bout à l'autre.
En suivant cette méthode on prendra les racines par-dessous , on n'en brisera
( i l lîxploitalion des bois, vol. I , p. 64.
(2) On trouve dcn'anl le rhâloau de Challié, commune de Saint-JTarlin-lès-3Ielle , près de Melle, et
sur la route de ISiort à iVIelte, un superbe Tilleul de quarante-Iuiil pieds de circonférence, cl d'environ
soixante pieds de hauteur ; il porte au moins ceni einqiianle pieds dans les branches , sans aucune
inarque de vcHuslé el de dépérissement. (^Note communiquée par Grelet-De.spradrs, de Niort. )
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