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2 0 4 M Y R T u s . M Y R T E.
On assure, dit Pline (1), que ce fut à Circei, près du tombeau d'Elpenor, où
l'on observa les premiers Myrtes qui aient paru en Europe en-deçà des monts
Cérauniens. Cet arbre conserve encore son nom grec, ce qui montre qu'il est
originairement étranger à Rome. Je ne sais pas, continue-t-il, s'il ne fut pas le
premier de tous les arbres que l'oir planta dans la place publique de cette ville,
car au-devant du temple Quiriuus, c'est-à-dire de Romulus, et qui passe pour lui
des plus anciens de la ville, il y eut pendant très long-temps deux Myrtes sacrés.
Le terrain où Rome fut bâtie étoit auparavant couvert de cet arbre. Les Romains
et les Sabins, prêts à livrer le combat, mirent bas les armes dans le même endroit
où , du temps de Pline, on voyoit encore le temple de Ténus Cluacyne,
c'est-à-dire purificatrice: là ces deux peuples réunis furent purifiés avec des
branches de Myrte. Il paroît que cet arbre avoit été transporté depuis long-temps
en Italie, si, comme le dit Pline, on le voyoit déjà en abondance au temps de
Romulus.
A Rome, la couronne de Myrte servoit à l'ovation ( 2 ) ou petit triomphe ;
on l'accordoit à ceux qui avoient terminé une guerre dans laquelle on ne suivoit
pas les lois ordinaires , ou qui étoit peu honorable pour le vainqueur,
ayant eu à combattre des ennemis méprisables, comme des pirates ou des esclaves
révoltés. Le premier qui reçut cette couronne fut Posthumius-Tubertus à son
retour de la guerre contre les Sabins. Papirius - Maso (3) obtint aussi l'ovation;
il avoit coutume d'assister aux jeux du cirque avec sa couronne de Myrte. Il y
avoit à Rome un ancien autel dédié à Vénus Myrtée , appelée ensuite Vénus
Murtia. Dans les fêtes qui étoient consacrées à cette déesse les jeunes gens se
livroient aux plaisirs sous des berceaux formés avec le feuillage du Myrte. Sur
le mont Ida, dans les campagnes arrosées par le Tibre, on voit encore fleurir cet
arbre cher aux amours ; mais le génie poétique, qui présidoit aux fêtes de l'antiquité,
et savoit embellir les plus doux instants de la vie, est éteint.
Us.iVGES. K Dans les pays où l'on pourra élever les Myrtes en pleine terre, ils
« feront un très bel effet dans les bosquets d'hiver et dans ceux d'été ; car ces
« arbrisseaux sont fort agréables dans le temps de leur fleur, qui paroît ordinaici
ment dans le mois d'août
« Les Blyrtes à fleur double, et ceux dont les feuilles sont panachées, méritent
« sur-tout d'être cultivés.
« Les feuilles et les baies des Myrtes sont astringentes, et recommandées pour
« affermir les dents qui ont été ébranlées par le scorbut. Les baies, qu'on nomme
« myrtilles, entrent dans plusieurs emplâtres et onguents ; on les emploie en Alle-
« magne pour faire une teinture ardoisée, qui a cependant peu d'éclat.
« Les feuilles de Myrte entrent dans les sachets d'odeur et dans les pots-pourris.
« Au royaume de Naples et dans la Calabre on se sert des mêmes feuilles pour
« tanner les cuirs ». DUH.AM.
(1) Liv. XV, chap. ag.
(2) Gellius OU Aulu-Gelle, lib. V, cap. 6, p. 327 : « Ovatio, minor triumphus. Ovandi autem , ac non triunipliandi,
caiisa est, cum aut bel]a non rite indicta , neque cum justo hoste gesta sunt; aut liostinm nomen humile
et non idonetim est, ut servorum piralarumque. „
(3j Pline , liv. XV, chap. 29 : « Piso tradit Papirium-Masonem , qui primus in monte albano Criumphavit de
Corsis , Myrto coronatum Itidos circenses spectare solitum. n
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Le bois de Myrte est fort dur, et dans les pays où sa tige devient grosse on
peut en faire des meubles et des ustensiles. Toutes les parties de l'arbre exhalent
une odeur aromatique ; on en retire par la distillation une eau astringente. A
Grasse, dans le midi, j'ai vu employer les feuilles du Myrte commun pour tanner
le cuir : ainsi préparé, d a une couleur verte, et résiste fort bien à l'eau ; on en
fait un assez grand commerce dans cette ville. Dans fisle de Minorque on l'emploie
au même usage : ses branches dures et flexibles étant tortillées comme il faut
forment la corde la meilleure et la plus durable pour la roue persienne des puits.
En s'élevant, le Myrte devient moins agréable que lorsqu'il re.ste arbuste ; il est
alors chargé d'une multitude de petits rameaux, qui perdent leurs feudles parcequ'elles
sont privées d'air et de lumiere par le feuillage supéiieur ; de sorte que
l'arbre vu par-dessous ressemble à un nid de pie ; la seule partie extérieure est
verte. Les tonnelles faites avec cet arbre ont ce défaut, on croit être environné
d'une palissade de bois mort, à moins que le ciseau du jardinier ne laisse presque
pas étendre les rameaux, et ne les tienne sans cesse rapprochés du tronc par la
taille, en ne leur laissant que deux ou trois pouces d'épaisseur au plus. Comme
les feuilles sont très nombreuses, très rapprochées du tronc, elles tapissent promptement,
et si serrées, que l'épaisseur de deux ou trois pouces suffit pour mettre à
l'abri du soleil le plus ardent.
CULTUKE. « Les Myrtes se multiplient de semences, de marcottes, et de bou-
« tures. Dans nos chmats ils ont peine à supporter les gelées, et l'on est obhgé
« de les tenir dans les orangeries, où même ils se dépouillent si l'on n'a pas l'at-
« tention de les tenir à portée des portes et des fenêtres, afin qu'ils jouissent de
« l'air dans les temps doux et humides. Nous ne les aurions pas compris dans cet
« ouvrage, si nous n'en avions pas vu en pleine terre dans les provinces mari-
« times; savoir, dans la Provence, le Languedoc, la Normandie, l'Aunis, la Bre-
« tagne, etc.
« On peut greffer les Myrtes les uns sur les autres ». DMIAM.
Les Myrtes reprennent si facilement de marcottes et de boutures, qu'on ne
doit point songer à les multiplier de graines. «On attend communément, dit
Rosier, que l'arbre soit en seve pour commencer l'opération des boutures, c'est
le plus sûr; cependant j'en ai fait dans le courant de l'hiver, et elles ont réussi».
Voici, d'après Miller et les auteurs de l'Encyclopédie méthodique, la medleure
maniéré d'élever des Myrtes de boutures , mais seulement dans les parties septentrionales
de la France, car dans le midi ds viennent en pleine terre , et n'exigent
aucuns soins particuliers : vers le milieu de l'été on choisit quelques branches
droites, jeunes, vigoureuses, et de six ou huit pouces de long ; on enleve les
feuilles de leur partie basse dans la longueur d'environ trois pouces ; l'on tord le
bout qui doit être mis en terre, et, après avoir rempli de bonne terre un pot d'une
grandeur proportionnée à la quantité de boutures qu'on veut obtenir, on les place
à deux pouces environ do distance, et l'on comprime fortement la terre autour;
on met en.suite ce pot sous le châssis d'une couche ordinaire , et on le plonge
dans du vieux tan ; on couvre le chassis avec des nattes pendant la chaleur du
jour; on lui donne do l'air à proportion de la chaleur de la saison, et on l'arrose
deux ou trois fois chaque jour, suivant que la terre du pot l'exige. Au moyen de
ce traitement les boutures prendront racine en six semaines de temps ; quand
elles commenceront à pousser des branches, on les accoutumera en plein air,
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