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Moyen employé
pour les cngrsii.er.
Canots piil-îgers;
ce c'eft.
Leur mâture &
Toilure,
I3Z VO Y A G E
Quand on veut engraifler en peu de tems un cheval vieux
ou ruiné, on mêle du lucre dans l'eau qu'il boit , ou du
gros fùvp , qui coûte moins ; c'eil: un lirop que l'on retire
de la préparation du fucre.Plus on en met, plus le cheval ic
rétablit promptemcnt. Il n'en acquiert pas plus de forces,
mais il ensraiîre : fon poil devient luifant, comme s'il étois
panle a 1 ecurie.
On appelle cette boiiTon compofée d'eau & de gros fîrop ,
de la grappe ; tous les animaux en font friands ; plufieurs
habitans en donnent habituellement aux chevaux, pour
entretenir leur embonpoint ; mais on remarque qu'ils en
deviennent plus mous dans leur fervice.
Les chevaux anglois , c'eft-à-dire , ceux que l'on tranfjorte
de la nouvelle Angleterre , ou de quelqu'autre de
eurs Colonies ieptentrionales dans les nôtres , ont tous
l'habitude de cette boiiTon.
Les canots dans lefquels on fait les petits trajets de mer
le long de la côte de cette lile, font des arbres que l'on
creufe ; on leur donne quelques proportions pour les mettre
en équilibre fur l'eau, mais on n'en donne prefque aucune
à leur mâture , ni à leur voilure.
Ils ont deux mâts , l'un placé au milieu de la longueur
du canot ; c'efb le plus grand des deux ; un autre plus petit
eft placé iur le devant. Les voiles font carrées ; mais elles
euvent s'étendre ne fe déployer raçon de ïamer
des NegreSi
peuvent s etendre , ou le aepioyer que
d'un feul côté
du bâtiment , c'cft-à dire , que les vergues qui les foutiennent,
forment une équerre avec le mâ t , mais ne le croifeiit
pas. Cette voilure rend ces canots d'autant plus dangereux
, qu'ils n'ont pas de quilles ; ils font prefque ronds par
deiTous.
Cette efpece de canots , qui ne fervent qu'à de petits trajets
, d'un endroit de l'Iile à l'autre , porte le nom de leur
deftination ; on les appelle des canots pajfagers. Ils font armés
de iix ou huit rames.
Les Negres ne tirent point l'aviron étant aiTis , comme
on fait prefque par toute l'Europe ; ils fe mettent debout ,
tenant la rame à la main , montent fur la banquette qui eit.
A L A M A R T I N I Q U E . 133
au-devant d'eux , fe laiiFent tomber lourdement fur leurs
iîéges. Ils ajoutent à la force de leurs bras , celle du poids
de leur corps par fa chute.
J'ai vu les Efpagnols dans la Galice ramer de la même
façon ; c'eft encore eux fans doute qui ont donné cette
méthode aux Negres. Ceux-ci dans leur pays , de même
que la plupart des nations , que nous appelions fauvages ,
n'ont d'autre façon de ramer qu'avec la pagaye.
La pagaye eft une efpece de pelle de bois légere , que les
rameurs tiennent à la main , fans autre point d'appui, avec
laquelle ils fendent l'eau de l'avant à l'arriéré , le long des
côtés du canot. Dans cette façon de ramer les rameurs font
affis , ne fe levent jamais , bc tournent le dos à celui qui
gouverne.
Les pirogues, cette autre efpece de canots dont nous
avons dit un mot en parlant des Caraïbes , font plus légers
& plus maniables que les canots paiTagers, quoiqu'ils foient
ordinairement plus longs. Ils ont une quille ; ils iont étroits
à proportion de leur longueur , pointus par leur proue &
)ar leur poupe. On n'y employe point d'autres rames que
a pagaye. Elles portent auffi des voiles carrées , mais ces
voiles croifent les mâts.
On traverfe tous les jours de la Martinique aux autres
Ifles dans ces bâtimens. Les Caraïbes s'en fervoient pour
tous leurs voyages avant l'arrivée des Européans. Comme
cette efpece de canots a paru commode & convenable pour
ces mers , on en a fait de fort grands , fur ce même modèle
de conftruftion ; il y en a même que l'on a pontés.
Cette façon de ramer à la pagaye pourroit être employée
utilement en Europe dans certaines occafions de guerre,
foit pour donner avis d'un côté à l'autre à l'infçu de l'ennemi
, foit pour entrer dans une rade fanS bruit pendant la
luiit, ou pour faire une defcente , ou pour approcher d'un
vaiiTeau qu'on voudroit aborder pendant l'obfcurité. Les
rames ordinaires fe font entendre par leurs frottemens , èc
par le grand mouvement de l'eau qu'elles fendent ; au lieu
qu'en plongeant la pagaye , ôc la retirant avec attention y
Pirogue , canot
des Caraïbes.
Rames dont i!s
fe fervent.
Avantages de cette ^
efpece de rames ,
même pour l'Europe,
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