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& ne forment point d'oignons. On en trouve cependant
une eipece qui en produit ; elle efl peu cultivée aux lilts,
oil Ton devroit la multiplier. Cette clpece ne peut pas Heurir
en Europe ; elle paroît venir de l'Egypte, dont elle a
ians doute été portée dans nos Colonies par les vaiileaux
des Indes.
Je donnerai à la fin de ce Mémoire un Catalogue des
plantes pota.geres , ou autres plantes étrangères dont j'ai
eu connoiflance à la Martinique. J'indiquerai celles qui
fruiftifient, celles qui fleuriiTent feulement, & celles qui
ne flcuriirent ni ne fructifient.
On ne s'eft donné aucun des foins qu'on a pris en Europe
pour perfectionner le goût des fruits , ou pour les rendre
plus beaux. Ceux qti'on y mange font tels que la nature
les produit dans la campagne. Ainfi ce font des efpeces
de fauvageons, qui fans doute auroient pu donner
de meilleurs fruits , en y employant une culture plus recherchée.
Quelques-uns font bons ; ceux d'un goût médiocre
n'auroient befoin peut-être que de ce fecours de l'art
pour corriger Sc perfectionner leurs qualités.
La nature qui fait tout pour la végétation dans cette
Ifle , femble n'avoir pas voulu l'embeliir par les fleurs ; ôc
ceux qui l'habitent s'occupent peu du foin de fe procurer
cet agrément. En général elles ne fixent point l'attention^
elles iont prefquc toutes fans odeur , & leurs couleurs finJ
pies ou communes, ne font point nuancées par des mêlant
ges. Parmi le petit nombre de celles qui pourroient être
recherchées pour l'agrément de la vue ou pour l'odorat, la
plupart ne feroicnt pas propres à former l'ornement des p'arterres
; les plantes qui es produifent font des arbres ou desarbuftes
trop hauts.
Ce n'eft pas cependant ce qui a empêché les habitans de
cultiver dans leurs jardins les fleurs qui auroient pu y mériter
une place ; ce n'eftpas non plus indolence ou infenfibihté
, c'efl: le même motif qui les a empêché de fonger à
perfectionner les fruits du pays.
Deux fortes de perfonnes habitent ou viennent dans [ces
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Ifles ; tous y font appellés par des vues d'intérêt, les uns
pour rétablir les biens qu'ils y poiTcdent, les autres pour
acquérir de la fortune ; tous font bientôt dégoûtés de cc
féjour. Ils ne fe regardent que comme des oifeaux de
paiFage , qui s'y repofent pour prendre de nouvelles foxces
, afin de repafler en France.
Dans cette idée on s'occupe peu des agrémens d'un
pays dont on eft dégoûté ; on ne cherche qu'à brifer les
portes d'une maifon dont on eft impatient de fortir.
Ce dégoût général paroîtra fans doute fingulier : il
doit avoir une caufe générale. Nous avons tous un penchant
naturel pour les lieux qui nous ont vu naître ; ce
fentiment eft gravé dans prefque tous les hommes ; les
Lapons mêmes fe plaifent dans leurs deferts glacés , ils
aiment la folitude aiFreufe de leurs demeuffes privées des
regards du foleil pendant fix mois de l'année.
Pourquoi les Américains , avec un coeur bien né , ne
peuvent-ils pas également fe plaire chez eux ? Pourquoi
leur patrie eft-elle la feule dans le monde que tous fes enfans
veuillent fuir ?
Ce féjour eft favorifé d'un beau ciel ; la campagne eft
toujours ornée par la verdure ; les faifons y paroiiTent
uniformes ; la terre à peine cultivée , femble offrir d'ellemême
en tous tems de riches productions à la main qui
les lui demande ; ce féjour préfente enfin des reiTources
avantageufes & fans nombre aux gensaCtifs & laborieux.
Ce problème feroit en eiFet inconcevable , fi l'on y
jouiiToit des douceurs de l'heureux gouvernement de la
France , des mêmes loix , de la même police , de cette
fubordination , dont l'enchaînement allujettit tous les
rangs ôc tous les états les uns aux autres , de cet ordre
admirable qui met ôc qui contient chacun à fa place ,
qui diftribue dans la proportion & le rapport convenable
les difi^érentcs parties de l'autorité , que le Souverain
veut bien confier à fes fujets , qui n'exige de chacun que
les devoirs d'un fidele citoyen, &c qui aiTure à cc prix le
repos & la tranquillité de chaque membre de la iociété,
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