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í i VO Y A G E
rent pas les premiers Européans dans ce nouveau monde.
Tous ces motifs , & d'autres même encore , fi l'on veut
en ajouter , peuvent-ils ilifiire pour juftitîer un fentimenc
délavoué par nos moeurs , par notre delicatelle , èc contredit
par les dégoûts fans nombre tpe la nature paroît lui
avoir oppoiés ?
Il eft malheureux , il eft cependant vrai que les Colonies
fonr uuTesTîïpo- retirent quelques avantages de cette corruption de moeurs,
iuique. Les Négrelles qui vivent avec des blancs, lont ordman-ement
pfus attentives à leurs devoirs ; elles acquièrent une
façon de penfer cjui íes diflingue des autres.
Elles o-arantiilent leurs maîtres èc leurs amans des complots
des efclaves. Quoique leur attachement foit plus décidé
pour ccux-ci , elles comprennent q^u'elles ieroient
moins heureufcs avec eux , fi elles leur étoient foumifes.
Le Gouvernement leur doit d'avoir découvert une confpi-.
ration générale qu'avoient formée les Ncgres de la Martin
nique.
Les Negres font menteurs. Il eft difficile de décider fi ce
vice tient à une dilfimulation de caractere qui leur eft naturelle
, ou à une diillmulation que leur état leur fait croire
ïiécetlaire.
Ils craignent la vérité, même dans les chofes les plus
indiiîerentes. Ils font toujours répéter la queftion qu'on
leur fai t , comme s'ils ne l'avoient pas entendue, afin d'a^.
voir le tems de préparer la réponfe.
Les tourmens , les fupplices ne les ébranlent pas ; dans
les aftaires criminelles , on les met à la queftion , fans eu
arracher aucun aveu.
Ils font voleurs , èc femblent dreiTer tous leurs organes
aux larcins. Un Negre qui voudra , par exemple , voler
fans qu'on s'en i^perçoive , une piece d'argent qu'il voit à
terre , la ramafÎe avec les doigts du pied , l'enleve par derrière
jufqu'à la ceinture , la prend enfuite avec la main , &c
la bouche lui fert, au défaut de vêtemens , à recéler fou
larc§i'inls. font pris fur le f a i t , ils ne fe déconcertent point ,
Sent menteurs.
ydeurs.
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A L A M A R T I N I Q U E . Î3
îîs difcnt que ce n'eft pas eux , que c'e/î k diahk, qui, pour
leur faire malice , a mis dans leurs poches ou dans leurs mains
ce (juon y trouve.
Ils font adroits , rufés , Si quelquefois très - ingénieux
dans leurs artifices. J'ai vu un Negre marron ( c'cft ainfi
qu'on appelle ceux qui fuyent de chez leurs maîtres ) qui
fut pris & enchaîné de plufieurs grofiTes chaînes. Il parvint
à les limer toutes fucceifivement ; il y employa un de ces
petits couteaux qu'on appelle jambettes, après l'avoir rendu
femblable à une lime groffiere , par les breches qu'il fit au
tranchant de la lame. I l couvroit de camboui les endroits
de la chaîne à mefure qu'il les limoit chaque jour.
Quand tout fut limé , il s'évada ; on fit courir après lui
plulieurs Negres , on mit à ia pourfuite des chiens , qui
font habitués à découvrir à la pifte ces Negres fugitifs. Il ne
pouvoir échapper à tant de recherches en plein jour. Il fe
jetta dans une riviere voifine, fe plongea dans l'eau jufqu'au
-col , cacha avec une grande feuille d'arbre fa tête quiauroit
pu le faire appercevoir. Cet expédient le déroba aux
yeux de ceux qui le cherchoient dans les environs même
du lieu où il étoit caché.
On nous amene de quelques cantons d'Afrique , des Negres
qui penfent que quand ils meurent ils s'en retournent
chez eux. Ils ne font point lâches au travail ; ils ont de
bonnes quaUtés. Plufieurs- habitans n'en achètent point
cd'autres. Cette acquifition eft quelquefois hafardée
S'ils font mécontens de leurs maîtres , ou s'ils
quelques dégoûts,, ils n'héfitent point à fe donner ... ^ ,
ils fe pendent, ou s'étouffent, en retournant leur langue
en dedans , comme s'ils vouloient l'avaler.
Un habitant m'a dit qu'il avoit appris d'un Negre de
cette même nation , que pour les empêcher d'attenter à leur
vie , il falloit quand on les châtioit , les punir très-févérement,
parce qu'alors ils n'oferoient aller dans leur pays , ôc
s'y montrer avec les marques des coups de fouet qu'ils ausoient
reçus. Cet habitant qui avoit plufieurs Negres de cette
ïiation, a toujours fvuvi ce coiifeil, ôc s'en eft Lien trouvée
Adroits, TUCÎST
Artifice d'un Nê*
gre pour s'évader^
prennent
a mort
Çiielques - nns
croyant une niétempiycoiè.
Se tuent par cette
raifon.
Moyen d'arrêtii
leur manie.
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