D'autres font emigoifoniieurs.
;Fo!ît mourir leur
••propre famille.
Souvent fans
.capiè.
'N empoifonnent
jas les bjaiics.
,54 'V O Y A G E
J'en connois un autre qui profita de cet avis : il traita de
même un de fcs Ncgres , qui , avant d'être châtié , nicna-
..coit fon maître de Ye tuer fi on le punifloic. Quand il eut
été puni très-rigoureufement, on le lailTa en liberté , on lui
donna une corde , & des inftrumens propres à trancher ia
vie , on l'en défioit même ; les plaifanteries l'cmporterent
fur le défefpoir & fur le préjugé , il n'ofa s'y réfoudre. Ce
même Ncgre paifant enfuite à un autre maître , qui le traitoit
avec trop de douceur , finit par s'étouifer avec fa langue
, fur de fmiples menaces qui lui avoient été faites. ^
^ On amène encore dans nos Mes d'autres Negres d'une
,nation intelligente & propre au travail, mais beaucoup plus
dangereux que ceux dont nous venons de parler.
lis ont apporté de chez eux , Se répandu parmi les nôtres
, la connoiifance de plufieurs plantes venimeufes. Exercés
dans leur pays à faire ufage du poifon , ils ne s'en fervent
que trop fouvent dans nos liles.
Quand ils veulent fe venger de leurs maîtres , ils empoifonnent
fcs autres efciaves , les boeufs , les chevaux , & les
mulets néceifaires à l'exploitation de l'habitation. Ces malheureux
, afin de n'être pas foupçonnés , commencent leurs
crimes fur leur propre famille ; ils font périr leur femme,
leurs enfans , leur maîtreiTe.
ils ne font pas même excités à toutes ces horreurs par la,
veno-eance feule. Souvent celui qui en forme le projet & qui
les commet , eft précifément le Negre le mieux traité de
l'habitation , celui pour qui le maître a le plus de bontés,.
Alors fa cruauté ne peut être conduite que par l'ambition
fanatique de venger ceux de fon efpece de leur efclavage ,
ou par le plaifir barbare d'abufer de la foibleiTe de fon maître
, 8c de l'humilier en le ruinant , afin de le rapprocher ,
autant qu'il le peut, de la mifere de fon état.
Les Négreifes , quoiqu'auifi emportées que les Negres
dans toutes leurs palfions , ne fe livrent point à cet excès ,
foit que leur ignorance ou la foibleife de leur fexe nous hi
garantiiTent. ^ , , , ri r
Ils n'eifayent point leurs poifons iur les blancs. Ils lont
perfuadés
FA L A M A R T I N I Q U E .
perfuadés que le fuccès dépend de la puillancc de leurs dieux
Su de leurs démons , qui n'en ont aucune fur nous. _
Lorfqu'on achete des Negres venant de la cote de Guinée
, avant de leur donner le tems de fe reconnoitre , on
pourroit mettre à profit leur ignorance. Il faudroit leur faire
voir plufieurs de ces expériences de phyfique Se de chymie
propres à tromper le peuple. On ménageroit leurs furprifes.
On leur feroit d'abord les expériences les plus ordinaires ;
tout les étonne dans ces premiers momens. A mefure qu'ilsacquerroient
des connoiiTances , & que leur efprit s'ouvriroit
, on proportionneroit les. expériences à leur intelli-
Sence ; on leur en feroit voir d'autres beaucoup plus recherà
é e s , qui foutiendroient, qui augmenteroient même leur
Cette petite rufe ne peut que donner à des hommes auiTi
groffiers Se auffi foibles ,unc grande confidérationpour leurs
maîtres. Elle infpire de la crainte, ou du moins des doutes
Se des ménagemens à ceux d'entr'eux qui pourroient f&
croire affez labi les pour en impofcr à leurs femblables, ôç
pour abufer de leur ignorance ou de leur créduhté, ou qui
auroient quelqu'autre mauvais deiTcin.
Comme ils croyent tous aux forciers , c'eft leur annoncer
qu'on eft très-fupérieur à ceux qu'ils craignent le plus.
C'eft leur aifurer qu'ils trouveront dans leurs maîtres une
proteélion qui les garantit de tout complot formé contre
^^S'il eft permis de Tavouer , fi le motif qui me conduifoit
fuffit pour juftifier cette efpece de fupercherie faite par un
homme à un autre homme , j'ofe m'en déclarer coupable.
Elle m'a paru auffi utile aux efclavcs mêmes , qui par-là
s'habituent à voir fans étonnement, les chofes qui leur paroiifent
les plus merveillcufes ; ils en deviennent plus difficiles
à être féduits ou trompés. Elle m'a du moins acquis
plus d'une fois aiTez d'afcendant fur l'efprit de quelquesuns
, pour les raifurer fur les frayeurs que leur caufoient les
menaces de ces Negres empoifonneurs , 6c de ces prétendu?
forciers,
J
F 1
Î ^
se
iEtir.