Forerait des
Amcricaines.
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Américains auffi inconftans qu'indépendans dans leurs
goûts ; ciics les entraîne aux plaifirs, &C les plaifirs les
occupent tout entiers.
Ceux qui font envoyés en France pour recevoir leur
éducation , donnent les plus grandes efpérances' pour
Tavenir. Dès qu'ils ont atteint l'â^e bouillant de la jeuneiTe
, ils perdent le fruit de leurs études ; ils renoncent
bientôt aux fciences & aux belles-lettres, pour lefquellcs
la nature leur avoit donné des difpofitions brillantes.
Cependant le defir d'acquérir des connoiiTances paroît
s'introduire dans nos Colonies. Peut-être qu'enfin
cette maiTe de lumiere qui éclaire l'Europe depuis un
ilecle , qui a pénétré par-tout fucceffivement, paiTera
les mers un jour, &: qu'elle étendra juiqu'à l'Amérique
fes rayons & fon inHuencc.
Les Américaines réuniiTent, à une extrême indolence
, la vivacité ôc l'impatience.
Ficres , décidées , èc fortement attachées à leurs volontés
comme les hommes , elles font prefqu'auffi fenfibles
qu'eux au point d'honneur attaché à la valeur. Une
femme fe croiroit deshonorée, fi la bravoure de fon mari
pouvoit être fufpeite.
Il eft difficile de concilier leur cara£bere généreux Sc
compatiiïànt, avec la grande févérité qu'elles employent
pour fe faire fervir ; févérité qui paroît encore iurpailèr
celle des hommes.
Leur coeur eft fait pour l'amour, il l'allume aifément ;
mais parmi fes triomphes, il ne peut pas compter celui
de leur indolence. Elles aiment tendrement, fans s'occuper
des moyens de féduirc , foit que les foins qu'elles
prendroient dûiTent trop leur coûter , foit qu'elles les regardent
comme des raffinemens de coquetterie , plus
propres à altérer l'amour qu'à l'embellir.
E les s'attachent fortement à celui avec lequel elles font
unies ; cependant dès qu'il n'eft plus , fa perte décide le
bonheur d'un autre. Il n'eft prefque point de veuve q(ui,
A L A M A R T I N I Q U E . ji
Des Américains.
Quoique je fois né à l'Amérique , je ne me défendrai
pas de parler du caraitere &: du génie des Américains ;
cette partie tient à l'hiftoire naturelle d'un pays. L'amour
propre , & la prévention commune à tous les hommes en
Portrait des
faveur de leur patrie , ne coûteront rien à ma fincérité.
Américains.
Les Américains rachetent leurs défauts par de très-bon- ^^^^^ ^ ii^c.c.r ^
nés qualités , & leurs défauts tiennent fouvent aux mêmes quaVkés Leur caraâere du'^coe^r,&
principes que leurs vertus.
Ils font b
raves , intrépides , généreux. Sujets auffi fideles
ue s'ils avoient le bonheur de voir leur Souverain & de le
ervir de près ; leur éloignement, leur féparation du royaume
ne les décourage point pendant la guerre ; elle ne fert
qu'à faire mieux connoître que le nom François eft dans
leur coeur au-deiTus de tout ( i ),
( I ) La prife de la Martinique farvenne depuis que cet ouvrage eii
écrit &; publié , ne change rien à ce portrait des Américains.
Les Angiois l'attaquèrent avec ving-trois mille hommes de débarquement
, dont la plupart ayant déjà conquis d'autres Colonies
étoient habitués à leur climat & à cette efpece de guerre. Ceux qui
défendoient cette lile étoient feulement au nombre d'environ quatre
mille deux cens hommes , y compris les troupes & les flibuftiers.
Leurs vainqueurs ont dit dans le compte qu'ils en ont rendu , & que
la Cour de Londres a publié , qu'à la feule aétion du 24 janvier il y
en avoit eu mille tués , blelTés ou prifonniers. C^eft une erreur , il eft
vrai , fa perte ne fut pas auffi co-nfidérable dans cette adion mais
cette erreur n'avoir pu avoir fon principe que dans la défenfe qui fut
oppofée à leur attaque , & dans la perte réelle qu'il y eut.
Attaqués par des forces auifi fupérieures , que pouvoient faire de
plus des hommes qui n'étoient pas accoutumés aux fatigues de la
guerre , à qui la bravoure feule tenoic lieu de difcip!ine''& d'expérience
? r
Leur ardeur ne s'eft arrêtée que lorfque le facrifice de leurs biens
& de leurs vies devenoit inun e au falut de la Colonie. Soutenue
plus long-tems, elle n'auroit conduit qu'à laiifer fans appui des veuves
& des enfans au pouvoir d'un vainqueur cjui fe fût irrité d'wie