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V- VO Y A G E
leurs , à moins que cc ne foit par quelque accident arrive!
dans Ic cours de leur vie.
Voilà les deux tableaux ; vous pouvez ckoifir ; la décifion
cil: intérciTante pour l'humanité.
Celui-là feroit fans doute inienfé , qui fe propoferoit de
periuadçr à une nation de ckan^T tout-à-coup quelqu'une
de les habitudes générales ; mais quand on porte en foi
l'amour des hommes &: du bien public, quand on a voyagé,
n'eft-il pas permis , ii'eil-ce pas même une obligation impofée
à chaque citoyen , de faire eonnoître ou de rappeller
à fa patrie des uiages préférables aux fiens, & dont le fuccès
fe confirme tous les jours chez les peuples qui les ont adoptés
? Il ne faut pas même fe lafler de leur en parler, &c
C eil le cas de ne pas craindre de répéter ce que les autres
peuvent avoir dit fur le même fujet. L'am.our propre dira le
contraire, n'écoutons que l'intérêt de l'humanité ; le motif
porte avec foi fa juftification. Il ne s'agit que^ d'avoir des
ménagemens pour ceux à qui l'.on veut faire goûter des nouveautés
contraires à leurs ufages. On ne les perfuade point
en leur difant des injures ; ce langage eft celui des mifantropes
& des pédagogues , qui n'ont d'autre objet que d'ac-
'quérir qttelque confidération , en décriant tout ce qui efb
.étabh dans eur nation. On a dit depuis long-tems que les
hommes font de grands enfans ; il faut, avec eux cornme
avec les autres , favoir fe prêter à leurs caprices , & même
à leur opiniâtreté. Si vous les gourmandez , c'eft leur ani^
oncer que vous voulez les maîtrifer ; préfentez-leur le
bien , fans vous rebuter, feignez de leur laiiTer la liberté
du choix ; alors les efprits s'éclairent èc s'échauffent peu k
peu ; l'évidence les frappe , ils fe rendent. La raifon établie
lentement fon empire ; mais enfin , à force d'entourer les
hommes de lumières, leurs yeux ^'ouvrent, ils fe réveillent,
& ne fongent plus aux ténèbres qui les enveloppoient ( i }.
( I ) Malgré ce que je viens de dire contre l'uiage du maillot
éprouvé moî-mème les difficultés qu'il y auroii: à l'abolir. Je voi
/ai
voulus y
Danj
des
A L A M A R T I N î Q U E. 75
Dans les autres détails de l'éducation des enfans du pre-
-mier âge , il n'y a point de différence entre celle des enfans ¿^ premioc
blancs ÔC celle des enfans negres , fi ce n'eft que la nourrice âge.
de ceux-ci prend des alimens moins fains &C moins fucculens
; tout Je rcfte eft: égal.
Lorfqu'au bout de quelques jours ils ont pafTé le terme
d'une maladie dont nous parlerons bientôt fous le nom de
7nal de mâchoire.^ ilXemble que l'on ne connoifTe plus aucun
danger pour eux.
Ils font ordinairement fevrés à un an. Il y a déjà longtems
qu'ils mangent de tout quand ils font fevrés ; foupe ,
caffi au lait, chocolat, vin, liqueurs , farine de magnoc ,
calalona, autres ragoûts du pays , fur-tout beaucoup de
iiicre Se de confitures ; leur eftomac eft fait à tous les mets.
Cependant ce n'eft pas fur les enfans que la mort moiiToxxnc
le plus dans nos Ifles.
engager en France une nourrice , à qui je confiai l'un de mes enfans j
l'intérêt ne put la déterminer ; .elle réfifta conftamment à l'appas de
¡routes mes offres. Elle -m'objeda fans ceiTe les accidens auxquels cet
enfant feroit expofé j j.e voulus la raffurer fur ces frayeurs : je lui repréfentai
les exemples dont j'avois été témoin , je lui permis même
¿ e fe juftifier d'avance fur ceux qui pourroient arriver , e n difant que
j e l'avois exigé d'elle ; enfin je lui offris de prendre toutes les précauÙons
imaginables pour prévenir ces prétendus accidens j je lui propofai
de faire étendre des efpeces de matelas contre les murs & dans toute
la chambre , & c . Vous n'empêcherez pas, me dit-elle j que mes compagnes
& toutes mes voifines ne me reprochent d'avoir eftropié un
enfant , pour avoir voulu me diftinguer & paroître en favoir plus
qu'elle«.
C e refus que j'ai cru devoir rapporter dans tous fes détails , ne
m'empêche pas de propofer , ainfi que d'autres l'ont déjà fait, d'abolir
,cet ufage. Cette innovation ne feroit pas peut-être aufli difficile
par-tout ; elle pourroit s'introduire peu à peu , de proche en proche ,
par l'exemple desperfonnes raifonnaWes, qui^ pour l'intérêt de leurs
enfans , s'y détermineroient fortement. J'avois réfolu de faire élever
& foigner les autres enfans que j'aurois, par une femme que j'euiTe
appellée des endroits où on ne les met point dans des langes j mais
ma deftinée m'a tranfporté dans des lieux où l'ufage du maillot efl; incentm.
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