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leur jalouiie^
quoiqu'inditFcrens
pourieursfemmes.
Ce n'efl: pas jaîoulîe
d'amour;
mais de quelle efpece
?
V O Y A G Í: 3
Leur incimation fait leurs mariages ; ils fe p rônent fie fequittent
fclon cette même inclination.- Rarement cependant
, ou prefque jamais on ne voit de divorce chez eux.
Ils n'ont point à fe plaindre de l'infidélité de leurs femmes.
La coquetterie ni la vanité ne leur oflrent pas desplaiiifS^
ans rinconftance ; elles fe fentent nées pour obéir, &:
fe foumettent. De quelque côté qu'elles portaiTenc leurs
coeurs, elles ne feroient que changer de maître en changeant
d'amant. Une prompte mort feroit d'ailleurs la punition
de leur perfidie ou de leur changement.
Les Caraïbes paroiiTent cependant jaloux jufqu'à la fureur.
Leur femme eil un bien qu'ils ne veulent point parta--
ger. Mais la jaloufie peut-elle exifter fans amour ? Comment
concilier la leur avec leur indifïereiice ?
Je crois qu'il ne faut pas confondre leur jaloufie avec la
nôtre. Celle-ci eil allumée en nous le plus fouvent par uni
principe de vanité ,, par la crainte de voir un rival plaire à-
'objet qu'on aime , ou qu'on defire , ou que l'on fe croyoir
feul capable de féduire & de foumettre.
Mais les Caraïbes n'ont pas abufé de l'amour comme
nous , foit que ce fentiment foit naturellement iî foible en.
eux qu'il paroiiTe ne pas exifter , foit qu'il n'ait pas occafion
de fe développer comme parmi les nations policées,,
l'amour ne joue pas chez eux le rôle d'une paifion- Il n'ad'autres
prétentions que celles de la fimple mture.
Leur jaloufie ne doit donc pas porter fur l'amour , ni furie
point d'honneur de la galanterie , qui leur eft inconnu y
.mais fur Tatcachement qu'ils^ ont pour une chofe qu'ils pofiedent
; attachement qui eft le même pour toute autre propriété
; il excite leur colere dès qu'on veut les en dépouiller'
|?ar la rufe ou par la force ( 7 ).
( 7 ) Cecoe conjedure me paroît confirmée par un fait qne rapporte
fe P. Dacertre fur leurs moeurs à cet égard. " Si elles ( leurs femmes )-
font trompées, dit-il, & abufees par les artifices Se promeiTes d'uiï
3. amant , & que leur péché qui a été fait en cachette vienne à la connoiiîânce
du mari, il pardonne quelquefois^ la femme 3 ms.ïsjammsi-
1 L A M A R T I N I Q U E. 53
lorfqu'au lieu de ces moyens on employe , pour les gagner,
la douceur & la confiance , ils ne favent rien refïifcr,
&; reçoivent bien les Européans qui vont chez eux,
lis fe prêtent même à leur procurer quelque jeune fille Caraïbe
, qui n'ait aucun engagement. Leur complaifance à
cet égard eft peut-être encore aidée par la connoiiTance
qu'ils- ont de notre indifcrétion,-
Ils ont un ufage qui étonne toujourr, dont nous ignorons
le principe. Lorfque la femme eft accouchée , elle fe
leve auili-tôt, elle vaque à tous les befoins du ménage , &:
1® mari fe couche. Il refte au lit pour elle pendant quelque
tems.
Cet ufagc , dont je n'ai pas été témoin oculaire, m'a
été attefté par des perfonnes dignes de foi , & par les Caraïbes
mêmes : on fait que tous les Auteurs l'ont avancé.
Il paroît fans doute extravagant, il eft au moins trop extraordinaire
pour n'avoir pas un principe. On le demande
inutilement aux Caraïbes-d'aujourd'hui, qui ne faventrien
du paiTé.
Ne pourrions-BOus pas ^entrevoir dans la fuite des' autres
procédés ufités chez eux «à cette occafion ?
Le P. Dutertre dit qu'ils reften-t au lit un mois-entier ,
fans manger ni boire pendant les dix premiers jours : qu'au
bout du mois les parens fie amis de la famille viennent
voir ce prétendu malade, lui font des incifions fur la chair ,
& tirent du fang de toutes- les parties de fon corps , fans
qu'il ofe s'en plaindre parce qu'il paiTeroit pour un lâche.
Il ajoute enfin que pendant les fix premiers mois le pere'
n'oferoit manger des- oifeaux ni des poiiTons , de peur que
l'enfant nouveau né ne s'en reftentît , S>c ne participât des
défauts naturels de ces animaux.
Cette derniere circonftance ne nous conduiroit-elle pas
à quelque indication fur le principe de cet ufage que nous ^
3> à celui qui l'a fait tomber en faute Hlji. des Antilles
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OiTrenran-T Europeans
des feirímes.
Se mettent au îii
pour la femme ap?'
couchée,
Cet ufage general
doit avoir un
principe.
Conjedures poulie
cherclier,