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Quand ils commenccnc à ic lentir affez de forces pour fe
lever , ils cherchent auparavant un appui ; ils s'approchent,
par exemple , d'une chaile , à l'aide de laquelle ils ie le- ,
vent ; ils la tiennent fermement, ils ne la quittent point,
éloignent leurs pieds de cet appui, & tiennent leur corps
Knché en avant, comme s'ils craignoicnt de tomber fur
e dos. . ,
Lorfqu'ils deviennent allez forts pour' fe lever tout droit
ians appui , ils écartent leurs jambes l'une de l'autre à,
droite & à gauche , afin d'être plus fermes , Se ne tiennent
point encore leur corps à plomb , de forte que quand ils font
quelque chute , ils tombent toujours allis.
L'expérience que l'on a de cette attention & de cette
prévoyance de leur part, a tellement raiTuré fur les accidens
que l'on pourroir craindre de leurs chûtes , qu'on ne
met jamais debourlets autour de leurs têtes. On riroit dans
nos liles , fi l'on voyoit employer ces petits chariots & ces
autres machines dont on fe fert en France pour apprendre
à marcher aux enfans. La plupart de ceux qui font feulement
âgés d'un an dans nos Colonies , pourroient fervir de
guides & d'appui à ceux d'Europe qui ont déjà l'âge de dixhuit
à vingt mois.
Nous nous fommes arrêtés exprès à ces petits détails. Ils
montrent de quelle façon la nature fe développe en nous ,
comme dans les autres êtres , quand on ne la contraint ps.
Nous avons reçu ci'elle en naillant les reiTources néceilaires
& fuffifantes qu'elle a données aux autres animaux pour
leur confervation.
Après ces exemples , fi l'on s'intéreiTe véritablement au
. fort des hommes , on ne peut s'empêcher de gémir fur l'haÎu"
i'dfabuuder' bitude & le préjugé établi dans une grande partie de l'Europe
d'élever les enfans dans des langes.
Les cieux meilleures raifons en apparence que l'on allègue
, c'eft que le climat de l'Europe n'eft pas aiTez chaud
pour adopter la méthode de l'Amérique , & que les nourrices
n'y étant pas habituées , feroient gênées pour porter &
pour remuer les enfans fans langes , & pourroient es eftropier.
L'ufage d'emmailloner
les ea-
On ne les y aifnjetcic
pas en Aagieterre.
A L A M A R T I N I Q U E. -jt
. Cela veut dire feulement que c'cil l'ufage qui l'emporte ,
& que nous fommes tellement efclavcs de l'habitude ,
qu'elle nous fait fouvent tomber en contradiftion avec nos
propres lumières. Pourquoi donc s'étonner après cela que
les payfans , cpe les peuples ( dont les gens éclairés fe moquent
cependant tous les jours ) , ne veuillent pas quitter
les méthodes qu'ils ont adoptées ?
Les femmes qui paiîént à l'Amérique , ne font pas plus
habituées dans les commencemens à remuer & à tenir ces
enfans fans langes , que ne le feroient d'abord les nourrices
d'Europe. Elles en prennent bientôt l'habitude ; leur grande
attention même , excitée par cette frayeur , empêche qu'il
n'arrive aucun accident.-
Quant au c l imat , la preuve qu'il eft aíTez chaud , c'eil
que les Anglois , fitués dans le nord de l'Europe, cxpofent
à l'air leurs enfans. J'ai été témoin que fort peu de jours
après leur naiiTance , ils leur donnent une robe & un corps.
L'Iilande, cette Ifle qui avoifine de fi près le pole du
nord , nous offre encore un exemple plus frappant & plus
; n-opre à nous détromper. Au rapport de M. Anderfon ( 9 ) ,
. es enfans y font élevés fans langes, comme dans les pays
chauds. C'eft auiil l'ufage dans une partie même de la
France.-
Que faut-il donc pour le faire adopter dans le refte du
Royaume ? Des hommes qui penfent fortement, & qui
foient peres.
Demandez-vous quel eft l'inconvénient des langes ? Au
Heu de raifonner , exammez le nombre d'enfans eftropiés
& contrefaits que l'on voit en France.
Voulez-vous connoître l'avantage de la méthode contraire
?_Remarquez-en les fuites chez les Américains , chez
les Indiens , chez les peuples d'Afrique, chez les Anglois. c«t ufage!
Vous^ne verrez pas les hommes de toutes ces nations, affligés
d'aucune de ces difformités du corps ii communes ail-
En- lilanda
Ni même dans
toute la France.
Raifons d'abeâr
; 9 ; Hiñ. nat. de l'IOande,.
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