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peuples fubjiiguée , tranfportée dans nos Colonies , &C veiodiie
à des maîtres qui ne les ont pas vaincus.
La plupart des traits que nous y remarquerons , ne font'
pas fans doute ceux qu'avoit tracés la nature , ni ceux qu'anroient
formés l'influence du climat, l'éducation èc la liberté.
Leur é tat , leur aviliffement dans nos Ifles doit les altérer.
Peut-on connoître le vrai génie d'un peuple opprimé ,
qui voit fiins ceiFe les cMtimens levés iur ia tête , 8c Is
violence toujours prête à être foutenue par la politiqûe &c
la ííirecé publique ? Peut-on juger de la valeur , quand elle
eft enchaînée & fans armes î
J'ai vu des Européans qui avoÎent été pris & faits efclaves
parles Algériens; ils m'ont dit que dans cet état ils
étoient auffi médians , qu'ils fervoient auffi mal leurs mai-
, tres , que les Negres fervent les leurs dans nos Colonies.
Ce tait propre à exciter l'iiumanité des habitans envera
eu_x_ . _a 1d ouc* ira t les r/é flex• ions que fero, it naA ître ce que nous
pourrions dire de leur méchanceté.
Je ne parlerai ni de la taille , ni de la figure des Negres,
ils font aiTez connus. D'ailleurs leurs traits varient fuivanc
les climats qui les ont vu naître.
Il fe préfente cependant une obfervation aiTez générale,
fur-tout à l'égard de ceux qui naiiTent dans nos Ifles ; leurs
jambes font prefque toujours cambrées ; elles forment ea
dedans une eipece d'arçon de cintre.
Il en eft de même de k forme de leurs reins ( & ceci eft.
encore plus général ) ; ils paroiiTent creux, évafés, & comme
rentrés dans le ventre.-
II eft également ordinaire aux Américains d'avoir fes
i-eins de même ; cette forme de jambes courbées eft aile-z
commune auffi parmi eux , mais elle eft quelquefois moins
fenfible que parmi les Negres.
Quelle en feroit la caufe ? Elle doit être générale. Celle
des jambes pourroit être occafionnée par l'ukge oii font les
nourrices de porter les enfans à califourchon fur leurs hanches.
Cette attitude peut leur infpirer la crainte de tomber j.
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A L A MARTINIQUE.
î k embraiTent & ferrent étroitement le corps de la nourrice
par devant &: par derriere avec leurs jambes , qui par cette
habitude contradent peut-être infenfiblement cette efpece
de courbure.
Une autre caufe peut encore y contribuer , & ce feroit
k même qui agiroit fur les reins. Les enfans élevés
fans maillot marchent de très-bonne heure, & marchent
feuls , fans être foutenus ; les os de leurs jambes très-flexibles
encore , peuvent être trop accablés du poids de leur
corps. La flexibilité de ces os fe prêtera même d'autant plus
à cette courbure , que , comme nous le dirons bientôt, les
enfans , dans k s premiers tems qu'ils marchent , tiennent
leurs jambes"toujours écartées l'une de l'autre , à droite &
à gauche , comme pour fe donner une plus grande bafe qui
Soutienne leur corps.
Semblables à ces iideles animaux, que nous avons rendus
nos gardiens nos compagnons, que notre préfence encourage
, & dont k timidité s'empare dès qu'ils font feuls ,
les Negres font , ou paroiiTent naturellement lâches ôc poltrons
: foutenus par leurs maîtres, ils affi ontent fous kurs
•yeux tous les dangers ; ils combat tent , Si meurent à leurs
côtés , foit qu'ils ne puiiTent avoir des forces qu'avec un
appui, foit que leur courage fe développe , alors qu'il eft
libre , foit enfin qu'en les rapprochant ainii de nous , leur
ame s'ékve & s'ennobliiTe.
La difficulté pour fe fixer fur l'une de ces conjectures ,
•eft prefque k même à l'égard des Negres libres.
Dans plufieurs les impreffions font déjà faites, l'habitude
a déjà pu changer leurs difpofitions naturelles, quand ils
acquièrent une liberté accordée à leurs longs fervices.
Dans tous fans exception , le refpeâ: ôc k foumiffion
pour les blancs , impofée à tout homme noir ou mulâtre ,
arrête , sênc le cara£tere , & ne lui permet aucun eiTor.
Les Negres & mulâtres , qu'ils foient libres ou non , font
cionc prefque les mêmes à l'égard du courage. S'ils font
^lus hardis vis-à-vis des efckves , c'eft qu'ils connoifTent k
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S o n t naturcHei
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