V O Y A G E
qui ont reçu leurs noms de ceux de France. Il ne faut pas
s'y méprendre ; ils fe reiTemblent d'ailleurs fi peu , qu'il faut
croire que ceux qui les premiers leur ont donné les noms
des oifeaux européans, y ont été entraînés par le plailir de
cônferver le fouvenir des biens qu'ils avoient abandonnés
en s'expatriant.
Preique tous les oifeaux de cette Me vivent d'infe£tcs »
quelques-uns de fruits ou de graines charnues , Sc très-peu
de graines feches. Ceux-ci font plus embarraiTés pour leur
nourriture que les autres, parce qu'on ne feme aucune efpece
de grains dans nos Colonies, & que peu de plantes peuvent
leur fournir de petites femences équivalentes. Il eft
très-difficile d'y cônferver aucuns oifeaux en cage.
D'autres n'y vivent que de poiflons ; ceux-là vont chercher
quelquefois leur proie bien loin. A confiderer l'étendue
de leur vol , la force de leurs ailes eft toujours un fujet d'admiration.
Nous en avons trouvé iur mer à trois &c quatre
cens lieues de terre.
On dit que ceux qui vont faire des courfesauiîi éloignées y
reviennent cependant coucher à terre tous les foirs ; ce
t a i t , qui ri'eft appuyé que fur l'opinion vulgaire , me paroîc
auiTi difficile à vérifier qu'à croire. Il eil certain feulement
qu'ils y viennent dépofer & couver leurs oeufs dans le creux
des rochers.
Il n'y a plus de perroquets à la Martinique, on en apporte
des Ifles voifmes , &c fur-tout de Sainte-Lucie. On en
mange, leur chair m'a toujours paru dure & d'aiTez mauvais
goût. J'ai vu très-peu d'Européans en faire cas. Je n'ai
pas remarqué qu'on en apportât d'autres que ceux dont le
plumage eft tout vert ; peut-être n'y en a-t-il pas d'autre
èipece dans ces liles voiïïnes.
Nous avons averti que nous rapportons les objets que
nous avons vus , fans en donner la defcription , que nous.
réfervons pour d'autres volumes.
Quand j e rapporte dans les récapitulations de chaque
mois ( troifieme partie ) quelque oifeau qui a été décrit par
M. BriiTon dans fon ornithologie , je l'indique par le nom
A L A MARTINIQUE.
vulgaire qu'il peut avoir à la Martinique, & je renvoye
à l'ouvrage de M. BriiTon , d'autant plus que quelquesunes
de íes defcriptions ont été faites iur les efpeces que
j'avois envoyées à M. de Réaumur. Mais M. Bniîon
n'ayant rapporté que les caradercs qu'il a fixés dans la
méthode pour diftribuer les oifeaux par claifes Se par familles
, je donnerai dans la fuite, s'il eft permis de s'ex
primer ainfi, l'hiftoire & les moeurs de ceux que j'ai eu occafion
d'obferver.
Les uns font remarquables par la forme de leurs nids ,
par la matiere qu'ils y employent, ou par l'adrefle avec laquelle
ils le fufpendent ; d'autres par la couleur de leurs
oeufs. Par exemple, ceux du gorge blanc font d'un beau bleu
célefte , tachés à l'un de leurs bouts de petites marques
noires : quelques-uns enfin fe font diftinguer par leurs allures
; tel eft celui qu'on appelle trembkur , qui a été fans
doute nommé de même , parce qu'il n'eft jamais tranquille
iur une branche ; il s'agite fans ceife ; il femble avoir quelque
impatience .ou quelque inquiétude , S>C fes ailes font
toujours à demi-déployées , comme s'il étoit prêt à s'envoler.
Des R^epùles,
La grande quantité de ferpens dont la Martinique étoit
i-îfeilée, fut un des grands obftacles que l'on eût à vaincre
pour rétabliflement de cette Colonie. On n'en trouve de
venimeux que dans cette lile & dans celle de Sainte-Lucie ;
ceux des autres liles Antilles ne font point malfaifans.
On prétend ( je ne fais fur quel fondement ] que les couleuvres
, ou ferpens vénimeux , ne peuvent pas vivre dans
celles de nos liles où il ne s'en trouve pas.
C'cft encore une tradition du pays fans preuves. Je n'ai
pas appris que perfonne eût vérifié ce fait. En voici un qui
ne lui eft pas dire£len:ient contraire , mais qui le rend peu
vraifemblable.
D.ans un précédent voyage que '-avois fait à la Martinique
, j'enfermai dans un bocal un de ces ferpens en vie , 6c
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Serpens trèscommuns.
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