_ Difficultés de les
co!)ïertix.
4ti _ V O Y A G E
II cil plus facile encore de détruire que de créer. Les
moyens de l'un lont à la portée d'une putflance humaine ,
l'autre ell: un attribut de la Divinité ; elle femble s'être
réfervé le pouvoir de faire le bien.
La force , l'adreileou la méclianceté conduites par l'intérêt,
peuvent donc abufer de la foibleiTe ou de la crédulité.
Il y a parmi les Caraïbes des hommes qui tiennent en
main tous les relTorts propres à les fubjuguer. Ils les appellent
leurs Boyes. Ils font tout-à-la fois médecins & ministres
de leurs dieux. Avec de pareilles armes , combien d'avantages
n'ont-ils pas dû avoir pour s'arroger un empire fur
leurs lemblables ?
Ils ont pu les rendre malades , ou en intimidant leur
imagination, ou par quelques méchancetés fecrettes. Ils
ont pu rendre certaine une mort qu'ils leur auront annoncée
de la part de leurs prétendus dieux. Il fuffifoit d'adminiftrer
comme médecins des remedes plus propres à aigrir le mal
qu'à le guérir , ou de profiter de l'occalion que leur olïroit
une maladie qui leur étoit inconnue. Ils ont pu détruire
leurs moiiTons , bc traverfer fourdement leurs concitoyens
dans toutes leurs entreprifes.
Mais guérir , & répondre du fuccès de leurs remedes ,
faire fructifier des terres , y répandre à propos la pluie & la
rofée , aiîiirer les iuites d'une guerre ; toutes ces actions
étoicnt au-deiTus de leurs forces.
Il n'eft donc pas furprenant que les Caraïbes , & d'autres
peuples auffi ignorans , fe voyant fouvent plus maltraités
que favorifés dans leurs defîrs , malgré la feinte intercefiion
de leurs miniftres , ayent plus redouté l'Etre malfaifant,
qu'ils ne comptoient fiir une Divinité tutelaire , dont
les bienfaits pouvoient même être détruits.
Depuis l'établiiTement des Colonies, nos Millionnaires
fe font donné des foins inutiles pour leur perfuader les vérités
de notre religion. Leurs inftru£tions ont toujours été infruitueufes
{6).
{6) Le P. Duterrre , le P. Laba:, & tous lesMiffionnaires ie plai-
A L A M A R T I Ñ I Q U E. 47
; On pourroit foupçonner la négligence , ou quelquefois
l'ignorance de ceux qui en ont été chargés ; mais ce défaut
de fuccès tient encore à des caufes plus générales.
Elles exigcroient, pour réuffir , un génie vafte , réuni à
la plus grande fimplicité ; de profondes connoiiï^inces du
coeur humain ; un caradere afîable , qui fçût fe plier à propos
; un zele plus^ prompt à compatir aux foibleiTes des
hommes , qu'à en être révolté ; une patience inébranlable
dans toutes les épreuves , comme la vertu qui en feroit le
mobile : cette douceur que le Dieu qu'on leur annonce a
recommandée , dont il a donné lui-même l'exemple, Se
qui paroît toujours à ramener les efprits , comme à fubjuguer
les coeurs.
Les premiers Caraïbes qui virent les Européans, ne purent
adopter une religion qui exigeoit d'eux le facrifíce de
leurs paillons , & fouvent même de leurs befoins le pardon
des injures, l'amour pour leurs ennemis , & qui leur
etoit annoncée par des hommes avides de leurs biens , plus
occupes a les aiTervir, à les immoler à leur avarice, qu'à
ies eclairer & les convertir.
Ceux d'aujourd'hui ne font pas moins difficiles à perfuader.
I emoins a chaque moment de ños vices & de nos
crimes , nous ne leur mfpirons ni refped ni confiance pour
notre rehgion. ^
D'ailleurs leur attachement pour un genre de vie facile ,
qui repond a leur indolence, leurs goûts , & fur-tout leur
P f " d e pénétration, oflTent encore des
du ChiSianT^^^^^ convaincre des vérités
Une des plus grandes difficultés que préfente leur conveifion,
c eil de leur faire comprendre qu'il exifte un Dieu,
gnent de cet enduraiTemenr des Caraïbes. Ils ne fe font baptifer que
pour avoir les préfens qu'on leur fait â certe occafion : ilsTp ennTnt
enfmte leur ancienne maniere de vivre. On du mên, q e | u e ^
uns fe font au bapnfer plufieurs fois par ce motif d inïrêt^ en e t
Eiiant quils 1 avoient déjà été.
Qualités ncceiTaires
à un Miiltoi;-
Autres difficuîtés,'
Conduite des pre-.'
miers Européans.
Et de ceux- da
préfenc.
De plus : leurs
goûts Se leur peu-'
d'intelligence.
Exemple de leur
peu d'intelligence.
¡1
ili